Ces Food Trucks qui veulent être le King du Burger

À l’heure où l’on nous assène qu’il faut manger sain et équilibré et que les établissements de restauration rapide ont mauvaise réputation, l’arrivée de Burger King ne changera guère la tendance. D’aucuns avoueront leur envie secrète mais non moins persistante de “croquer un bon gros burger bien – fat –. Cependant, les aficionados semblent être devenus plus exigeants sur la qualité de leurs sandwichs et délaissent les austères fastfoods reflétant l’image de malbouffe au profit de camions ambulants où les hamburgers sont faits de façon artisanale, sous leurs yeux.

À Paris, il existe plusieurs recours pour soulager ce péché de gourmandise états-unien. Depuis un an, deux camions itinérants, ou plutôt “Food Trucks” comme ils disent, se partagent l’essentiel du marché parisien. Il y a tout d’abord le Camion qui fume qui se revendique être le premier fournisseur de Burger ambulant à la New Yorkaise. De l’autre côté, il y a également “le premier Food truck” mais celui-là sert des burgers californiens bios.

Pour les trouver, il faut de la patience car vous devez les pister à travers Twitter et leurs sites internet. Cela peut s’avérer frustrant s’il vous vient une soudaine envie d’hamburger et qu’après de longues heures d’attente, un message vous donne rendez-vous dans deux jours suite à “un problème technique”.

“CE PETIT ÉCART… NE LE DITES PAS À MA FEMME !”

Il est 11h35, place du marché saint honoré. L’odeur du burger se propage à travers la place. Le Camion du Cantine Cali’ est installé face au Razowski. Pour Jordan Feilder, le fondateur et patron du Cali’ “c’est comme aux États-Unis”, cette concurrence n’est pas déloyale et les employés de l’un des meilleurs restaurants de Burgers de Paris y vont même pour manger. Serge digère patiemment et regarde amusé la file d’attente qui se crée sur la place du Marché Saint-Honoré malgré un soleil de plomb. Cela lui “rappelle l’esprit et le concept des baraques à frites” sauf qu’on “remplace la saucisse par du bœuf”. En effet, il habite dans “le ch’Nord” et hasard ou non, sa promenade dans le quartier de la place Vendôme coïncidait avec l’heure de service… “Ne le dites pas à femme !”, culpabilise-t-il mollement car elle lui impose un régime strict, mais “comme elle n’est pas là”, il s’est permis “ce petit écart”.

A peine le “Cali Classic” commandé, qu’il faut régler (9 euros le burger seul, 11 euros avec les frites et la mayonnaise faites maison). Servi dans sa barquette, emballé dans son papier, le burger californien est gros, difficile à prendre en main et se désassemble facilement. Composé de : bœuf bio, “vrai” cheddar, bacon, tomates, oignons rouges, pickles, avocat. C’est délicieux ! Les petits estomacs peineront à le finir. Sans doute repus par les frites irrésistibles.

Le camion qui fume se trouve principalement le soir face au cinéma MK2 Bibliothèque François Mitterrand. Dans un quartier quasiment désert où les commerces et restaurants sont rares, l’on est surpris par la file d’attente qui mène au camion. Il arrive parfois même que Pedro, le manager, vienne informer les derniers venus qu’il “n’aura pas suffisamment de steak pour tout le monde”. Ma première visite se résumait donc à un échec, mais l’envie de Burger me pressa aussitôt chez Schwartz’s Deli, une référence parmi les restaurants de Burger.

Chez Schwartz’s, coup de chance, on m’installe rapidement. Mon cœur penche aussitôt pour le Yankee Burger. 17 euros pour ce burger avec des champignons, du cheddar, du bacon, des oignons caramélisés le tout accompagné d’une salade, de coleslaw, de frites ou galette de pomme de terre. Un burger tellement énorme qu’il faut l’attaquer méthodiquement avec des couverts. Au-delà d’avoir une table et une chaise pour y manger, l’atout de Schwartz’s réside dans la qualité du service. En effet, les serveurs sont aux petits soins avec vous. On ne se plaindra pas que lorsque ces derniers viennent spontanément et systématiquement vous apporter une carafe d’eau fraîche filtrée une fois terminée. Dernier détail, et pas des moindres, la moutarde américaine sucrée French’s, absente chez nombre de concurrents dont Razowski.

LE CAMION QUI SE REVENDIQUE NEW YORKAIS PROPOSE ÉTONNAMMENT DES PORTIONS “FRANÇAISES”

La semaine d’après, je retourne au Camion qui fume. Une heure avant le début du service, Pablo me conseille de gouter le “Burger BBQ”, le plus prisé des clients. Une file d’attente commence à se créer et attire les plus curieux désireux de “casser la croûte suivi d’un cinoche”. Les frites noircies baignant dans l’huile et le sel m’ont laissé perplexe. Je suis enfin servi et découvre un petit burger, au pain brioché que j’ai englouti en quelques minutes. Le camion qui se revendique New Yorkais propose étonnement des portions “françaises”, sans doute pour inviter à poursuivre sur un dessert. L’on reste sur sa faim.

Si l’on compare les prix des deux Food Trucks, manger bio ne coûte pas forcément plus cher. Le fait de voir son burger préparé sous les yeux ainsi que l’affichage d’éventuelles mentions bio font moins culpabiliser les clients qui n’hésitent pas à revenir toutes les semaines sans nécessairement se préoccuper des apports caloriques. Ces derniers se rassurent ainsi : “c’est sans doute gras, mais comparé au Mac-do il y a moins ou presque pas d’ajouts chimiques dans les produits”.

Liv Schleimann, une nutritionniste avertie sur les dangers de cette nourriture dite saine m’informe que “lors des périodes de fortes chaleurs, l’on ne peut guère vérifier si la chaîne du froid a été bien respectée et qu’il y a un risque d’intoxication alimentaire notamment à cause des salmonelles”.

SI TU NE VIENS PAS À CANTINE CALIFORNIA, CANTINE CALIFORNIA VIENDRA À TOI.

A ce prix-là, les plus économes se demanderont s’il n’est pas plus avantageux de faire des burgers soi-même à la maison et vanteront les mérites du burger fait chez soi car l’on y met ce que l’on veut et c’est plus ou moins diététique mais non moins convivial. Jordan Feilders a même pensé à eux et leur livre les secrets… pour le prix d’un burger.

Cantine California, Jordan Feilders et Virginie Garnier, Hachette Pratique, 2013

Daniel Latif
Illustration : Cunione