Grand Prix de F1 : Roulez jeunesse !

Il régnait une certaine effervescence dans la région de Bandol ce mercredi 19 juin. Les voitures s’amassent et peinent à progresser en raison des travaux. Toutes se dirigent vers le stade Deferrari où va se dérouler un match caritatif pour l’association Jules Bianchi. Ce soir-là, le casting des joueurs annonce un match assez surréaliste : Charles Leclerc, Pierre Gasly, Daniel Elena, Dorian Boccolacci, Fabien Barthes, Daniel Ricciardo et Tex. L’on s’enthousiasme même que Youri Djorkaeff sera de la partie. « Il ne manque plus que Zizou » s’amuse un spectateur dans les tribunes. Même si Zinedine Zidane « est du coin », la rencontre se fera sans la légende française du football. Quant à Djorkaeff, il aura tout simplement fait faux bond, laissant Barthes, qui à cette occasion semble beaucoup plus à l’aise sur le terrain que dans les cages.

L’association Jules Bianchi a pour but d’honorer la mémoire du jeune pilote de Formule 1 et « d’apporter tout le soutien nécessaire aux personnes qui ont vu basculer leur vie et dont le moral est essentiel pour garder l’espoir ».

Photo : Guillaume Nedelec

C’est donc dans le bel esprit et la nostalgie que les équipes se sont réunies autour du ballon. Un véritable match de 90 min où Jean-Jacques Gasly, le père du jeune pilote F1 Red Bull, raconte comment son fils a été bouleversé par la disparition de son ami qu’il garde toujours auprès de son cœur. En témoigne l’inscription sur son casque « JB17» preuve que Jules est toujours dans sa mémoire. « De vraies valeurs, une filiation et un état d’esprit qui a poussé Pierre a faire ce match de foot » raconte le père admiratif de l’ascension de son fils qui a décroché son premier contrat à 11 ans.

Pascale Gasly, sa mère, confesse avoir été « au début terrorisée par la notion de risque qui existe toujours », puis « on s’y habitue, quand on voit un enfant qui a autant d’énergie et de volonté, on ne peut pas le décevoir. Il faut accepter qu’il vive de sa passion » relativise-t-elle.

Pierre a fait son premier tour de kart à 6 ans, « à l’époque, il ne voulait pas s’arrêter » rigole encore son père. Il se souvient lorsque Pierre avait neuf ans : « on lui a offert son premier kart. C’était un Honda, équipé d’un moteur de tondeuse à gazon, 4 temps, extrêmement fiable ». Le petit Pierre voulait faire du hockey sur glace, puis a fait du foot jusqu’à neuf ans mais il préfère le karting. Alors, il demande « quelles sont les études à faire pour être pilote de F1 ? ». La réponse du père fuse : « des études ! ». Et il le réaffirme encore aujourd’hui : « chez nous, les études ça compte ! ». La maman est tout aussi exigeante : « tu dois être le premier de la classe », une condition pour pouvoir s’adonner librement à ses passions.

Son passé de footballeur, explique certainement les bonnes conditions physiques de Pierre Gasly qui n’a rien lâché pendant le match. Ce qui n’a pas rassuré son coach Pyry Salmela, préparateur physique et mental, qui craignait une blessure avant le début du Grand Prix de Formule 1 au Castellet.

Deux jours plus tard, toujours dans la région de Bandol, plus précisément aux alentours de la plaine du camps sur le chemin du circuit Paul-Ricard au Castellet, le ballet des hélicoptères, la présence des gendarmes à tous les carrefours, leurs fourgons garés sur les rond-points, les nombreux agents de sécurité au gilet jaune multi poches et lunettes de soleil, planqués dans les chemins de forêt, foison d’autres véhicules de la gendarmerie et Bac alignés ça et là dans le circuit ou encore cette moto de la Police nationale garée dans la zone média prouvent bien qu’il règne un parfum de tension.

« Même si l’entrée du circuit est embouteillée, ce n’est rien comparé à l’année précédente » explique David, un reporter espagnol. « Un plan a été élaboré sur les axes routiers autour du circuit puis implémenté dans Waze avec la collaboration de quatre de leurs ingénieurs présents dans le centre d’opération et de décision, détaille Pierre Guyonnet-Duperat, responsable média et communication pour le Grand Prix de France. Un travail en amont afin d’éviter la catastrophe connue l’année passée. Ces derniers œuvrent avec l’ensemble des services de gendarmerie, police et secours pour assurer la mobilité ainsi que la fluidité du trafic routier. »

De gros moyens déployés, mais aussi la présence et le soutien de personnalités, comme Christian Estrosi et de nombreux acteurs du monde de l’automobile qui ont permis le financement du budget de ce deuxième Grand Prix. Car les retombées économiques pour la région, les commerces ou encore les fans de sport automobile ne sont pas des moindres.

Les efforts mis en œuvre ne s’arrêtent pas là. Des initiatives singulières ont été mises en place pour « rendre la Formule 1 accessible pour tous et lui redonner ce côté populaire ». Car « on n’avait pas de sorties à l’école pour aller voir la F1 » jalouse secrètement ce passionné s’exclamant devant un groupe scolaire. Ces jeunes primaires, collégiens et quelques lycéens ont eu la chance de pouvoir vivre le temps d’une journée « une immersion dans le monde de la Formule 1, ses métiers, les coulisses avec une visite en bus impérial du circuit. De quoi donner un vent de fraîcheur aux paddocks » se félicite Pierre Guyonnet-Duperat.

Et c’est au milieu de ce paysage hors du temps, à l’atmosphère typique French Riviera, que les spectateurs prennent place dans les tribunes. F1, F2, F3, Clio Cup, la piste ne s’arrête jamais et il y en a pour tous les goûts. Pierlouis Clavel, étudiant aux Beaux-arts de Paris, a fait le déplacement pour suivre le Grand Prix. Observateur attentif, au-delà de la compétition, il en décortique toute la poétique de la course ainsi : « le goudron noir transpire et tente de déformer les lignes colorées qui courent si vite, tanguent si bien et filent tout le long d’un paysage digne d’une aquarelle de chaleur et d’odeur sur fond sombre. Le tout rythmé au son qui strie et s’échappe dans les houles chaudes ».

Pendant ce temps, en salle de presse, les journalistes retiennent leur souffle. Les yeux rivés sur la piste, les écrans télé. Les plus spécialistes, comme Jean-Louis Moncet, journaliste sportif spécialisé dans le sport automobile, se focalisent sur leur tablette affichant les chronos. La course vient seulement de commencer et ça souffle déjà.

« Ah joli, c’est presque un record » commente le célèbre présentateur de la Formule 1 sur TF1, Canal + et Auto Plus. Ce n’est pas à son premier Grand Prix et pourtant, il garde toujours cet émerveillement et peine à dissimuler son admiration lorsque l’équipe Red Bull parvient à changer les pneus de Pierre Gasly en 2,1 secondes. Puis, il reste sidéré devant les performances chrono de Lewis Hamilton à bord de sa Mercedes : « Mais, va-t-il s’arrêter de battre le meilleur tour en course ? C’est incroyable, il veut leur casser la tête !? » martèle Jean-Louis Moncet, les yeux rivés sur les écrans, tout en inscrivant les timings sur son carnet.

« Quand tu vois les performances et la maîtrise de Hamilton, tu ne peux que constater que c’est le meilleur » reconnaît Guillaume Nedelec, spécialiste F1 pour Ouest France. Las de constater que c’est toujours le même qui gagne, il regrette une politique hygiéniste qui tend vers l’aseptisation de ce sport. S’attaquant aux sanctions et pénalités en course, il reste convaincu qu’en dépit des décisions risquées que prennent les pilotes, ces dernières ne risquent pas la vie des autres : « on oublie que sur un circuit, ce n’est pas la route. En voulant évacuer le danger au maximum, alors qu’à 300 km/h il est nécessairement présent, l’on tend à rendre les courses plus fastidieuses ».

Un point de vue que nombre de spécialistes et journalistes partagent. Car, si cette course a pu être « probablement ennuyeuse, il ne s’agit là que d’un épisode sur 21 » philosophe Jean-Louis Moncet. 

Daniel Latif

Zandvoort vibre au rythme de la Verstappenmania

Il y a quelque chose de fascinant en Hollande. Ici l’on se veut écolo et l’on est fier de rouler à vélo à travers ces routes fleuries de belles plantes. Et pourtant, il suffit d’une compétition de sport automobile sponsorisée par Jumbo — l’équivalent des magasins U en France — pour que les habitants de ce petit pays s’aliènent et enfilent ce sweat-shirt bleu foncé floqué Mobil1, Red Bull avec la casquette qui va avec. Avec une fréquentation de plus de 100 000 personnes dont plus de la moitié se sont habillés comme les ingénieurs de l’écurie au taureau rouge. Tous, petits et grands, ont enfilé le costume à l’effigie du numéro 33, leur héros national : super Max Verstappen.

Même le Président de la Fédération internationale de l’Automobile (FIA), Jean Todt, invité d’honneur de la Coupe du monde de voitures de tourisme (WTCR) reconnaît être fasciné « de voir autant de personnes sur le circuit historique habillées aux couleurs de Red Bull ».


Le paradoxe ne s’arrête pas en si bon chemin. En effet, il s’étend encore plus lorsque l’on prend conscience que le circuit historique de Zandvoort se situe en plein milieu des dunes face au bord de la plage.

Cette course des Pays-Bas, c’est l’événement à ne pas rater et les hollandais ont, pour l’occasion, pris un jour de congé. Les tribunes sont pleines à craquer y compris les dunes environnantes qui foisonnent de spectateurs. Car, les places sont loin d’être bradées : 75 euros pour bénéficier d’un siège dans les gradins. Certains ont bénéficié d’une petite réduction parce qu’ils ont fait leurs courses chez Jumbo. Un engouement des plus « religieux » corrobore un confrère belge.

L’espace d’un instant, le patriotisme, la raison néerlandaise s’est éteinte au profit des pétarade moteurs, plaisir animal, difficilement explicable et de la frénésie mécanique.

Un engouement qui ne touche pas que les hommes. En effet, les femmes ont pu rouler des mécaniques lors d’une course qui leur est dédiée : la Ladies GT race. Ainsi, des néerlandaises de tous niveaux et horizons, dont quelques grands noms du paysages audiovisuel hollandais comme la présentatrice Eva Koreman, la réalisatrice et Miss Univers Kim Kötter, la championne olympique de patinage de vitesse Antoinette de Jong ou la Miss Nederland Jessie Jazz Vuijk, pour les plus célèbres, ont pu s’affronter dans une course de ventes dames à bord de Citroën C1, Toyota Aygo, Peugeot 107.

Leur récompense était de taille car elles ont été honorées par la présence des comparses Pierre Gasly et Max Verstappen, venus remettre les trophées et amuser la galerie entre deux courses avec leur Formule 1 Aston Martin Red Bull motorisée Honda… reconnaissable par cette musique si particulière que l’on compare à un « miaulement ».

Honda Motor, constructeur indépendant, est toujours le premier constructeur mondial de moteurs avec 23 millions d’unités vendues à travers le monde, avec l’auto, la moto, la motomarine, l’avion (Jet Honda), les produits d’équipement pour jardins…

Le motoriste japonais s’est engagé depuis plusieurs années dans ce championnat du monde de voitures de tourisme pour s’en servir également d’image tout en sachant que les courses sont très accessibles pour un large public.

Des performances remarquables grâce au pilote argentin Esteban Guerrieri qui a pu lors de ce championnat remporter la Course 2 à bord de sa Honda Civic Type R TCR et ainsi offrir une seconde victoire pour son écurie ALL-INKL.COM Münnich Motorsport et cette écurie est actuellement en tête du championnat.

Cette compétition, « c’est un laboratoire d’expérience » plutôt que de se restreindre à un centre de recherche. Une batterie de tests pratiques, grandeur nature dont le but est de perfectionner leurs autos : « tout ce qui est testé ici est mis en application sur nos voitures de production » explique Aurélie Litzler, attachée de presse automobile chez Honda France.

Honda va au-delà de l’aspect purement sport automobile et s’attache à créer notamment une bonne ambiance où règne le bel esprit. Ainsi, la marque nippone a permis à Tiago Monteiro, pilote automobile Honda et Randy de Puniet, pilote moto, de prendre le temps et d’échanger leur destrier le temps pendant la course WTCR en Slovaquie. Un moment unique où Honda a réussi à rapprocher l’univers du sport auto et la moto d’endurance.

Après la Slovaquie, le challenge à Zandvoort était de rapprocher d’autres grands noms du sport auto « qui se connaissent mais qui n’ont jamais l’occasion de se rencontrer » explique-t-on chez Honda. Et c’est grâce à l’enthousiasme de ses équipes que deux pilotes Formule 1 Red Bull Pierre Gasly et Max Verstappen ont pu prendre le temps d’échanger avec Tiago Monteiro, qui vient de reprendre après un grave accident en essai privé à Barcelone, accompagné de son fils Noah qui a déjà réalisé des podiums en kart.

Un autre défi brillamment relevé par Honda qui démontre une fois de plus que le sport automobile c’est avant tout des moments de complicité, de respect, les uns vis-à-vis des autres. Car, au-delà d’une passion du sport mécanique, ou tout autre fierté chauvine, pour ne pas dire nationaliste il y a surtout une vraie vie de famille.

La fête aura été complète avec l’annonce d’un prochain grand prix de F1 à Zandvoort pour 2020, sans oublier la victoire de la Hollande à l’Eurovision.

Daniel Latif