Matsuri : tant que tu mates, tu souris

Le restaurant Matsuri, situé rue de Richelieu dans le 1er arrondissement de Paris, est le premier à avoir importé en 1986 le principe du convoyeur de sushis. C’est un lieu confiné, les meubles et la décoration rappellent la cantine d’Ikéa. Assis le long du tapis roulant qui défile en continu à travers la salle tel un serpent, on observe la procession mécanique des assiettes aux contours colorés (déconseillé aux daltoniens, risque de surprises au moment de l’addition), elles ont aléatoirement un couvercle transparent — le reflet de ce dernier offre un étrange ballet de méduses au plafond — d’autres, découvertes, mettent en valeur ce long cheveu ornant deux makis saumon qui vient d’entamer son deuxième tour…

“C’est combien le rouge ? Ah non… et le vert ? Trois euros ?” Voici l’éternelle question qui rythme les conversations des clients. Un groupe d’amis à la table mitoyenne empile les couvercles et rangent les assiettes de façon optimale pour continuer le repas. Les bons comptes font les bons amis, ils s’affairent à répartir les assiettes pour savoir combien ils auront chacun à payer au lieu de prendre le temps et savourer les plats. Étonnamment, l’on voit plus d’assiettes rouges, à 5 euros, défiler que des jaunes, à 2 euros. Lorsque les serveurs remarquent qu’il y a trop d’assiettes rouges sur le convoyeur qui ne partent pas, ils placent quelques assiettes jaunes pour relancer l’appétit des plus radins.

C’EST LE PRIX À PAYER POUR UNE INFIDÉLITÉ AVEC SON HABITUEL RESTAURANT JAPONAIS

Matsuri est le lieu idéal pour les masochistes qui veulent jouer le temps d’un repas les comptables et se persuader d’entamer une diète à cause des prix déraisonnables. Trois morceaux de saumon ou deux malheureuses brochettes au fromage fondu pour 5 euros chacun, 2 euros la salade de choux. C’est le prix à payer pour une infidélité avec son habituel restaurant japonais.

Cette fois-ci, j’arrête, vraiment ! Et c’est à ce moment-là, qu’apparaissent trois appétissants makis frits. Je réfléchis, allez, je craque pour trois euros. Trop tard, un autre client s’empare de l’assiette sous mes yeux. Je m’arme de patience, trois tours de tapis roulant plus tard les makis frits n’arrivent toujours pas, il faudra commander auprès du serveur. Fin du repas, je me dirige vers les toilettes qui se trouvent dans la cuisine derrière le chef qui prépare les assiettes. La feuille d’entretien indique que les toilettes n’ont pas été nettoyés depuis trois heures…

On demande l’addition, une fois, deux fois, trois fois… Entre temps, une assiette de saumon vient vous narguer et vous hésitez… Quatre fois ! Le saumon n’aura pas eu raison de vous. Le défilé des plats qui était au début ludique et appétissant devient irritant puis on remet en cause le principe du convoyeur de sushis : et pourquoi pas un rollercoaster de sushis, tant qu’on y est ? On paye, on reste sur sa faim.

Daniel Latif

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