Montréal : L’État Unique d’Amérique

MontréalCurieusement, quand on évoque le Canada, on ne pense pas nécessairement à sa capitale Ottawa mais à Montréal. Étonnamment, Montréal, situé dans la région du Québec, n’en n’est pas non plus la capitale. Il s’agit tout simplement de la ville de Québec qui en est le chef lieu. Les Montréalais se sentent Québécois avant d’être Canadiens. Pourtant, leur équipe de hockey sur glace s’appelle les Canadiens de Montréal. Pour couronner le tout, elle arbore les couleurs bleu, blanc et rouge. L’hiver à Montréal, le thermomètre peut descendre jusqu’à -30 °C. Nonobstant toutes ces singularités, ce qui est des plus saisissant à Montréal, et, a fortiori au Québec, pouvant paraître anodin ou naturel pour le touriste, réside dans le fait que l’on y parle français. De surcroît, les Québécois sont particulièrement attachés à la langue française et usent d’un zèle notoire pour trouver des québécismes, sorte de néologismes exotiques imposés par des lois. Ces derniers ont cependant le mérite de préserver le rayonnement et la présence de notre belle langue, sans céder à la facilité de l’anglicisme. Voilà pourquoi, l’on peut qualifier cette région d’État unique des Amériques.

MONTRÉAL, UNE VILLE AU CARREFOUR DES ÉTATS-UNIS ET DE L’EUROPE

MontréalLa ville de Montréal s’illustre par sa dualité, alliant la vision de l’Amérique du Nord à l’Europe en fonction des quartiers. L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal avec ses appartements de briques ne dépassant pas les trois étages, rappelle la Scandinavie. Sauf qu’ici, la cage d’escalier se trouve à l’extérieur pour gagner plus de place. Le quartier des affaires, situé en plein centre-ville aux alentours de la station de métro Peel, est reconnaissable avec ses hauts édifices et le foisonnement de gratte-ciel. Les voies sont larges, les rues, comme tracées à la règle, parfaitement parallèles et perpendiculaires. Les feux se trouvent de l’autre côté du carrefour. Le parc automobile se compose principalement de véhicules à essence avec des motorisations surdimensionnées. Les voitures n’ont pas de plaque d’immatriculation à l’avant. Sur celle à l’arrière, on peut lire la devise du Québec : “Je me souviens”. Les québécois seraient-ils rancuniers ? Ont-ils une mémoire infaillible ? Paradoxalement, lorsqu’on demande les origines ou sa signification, vous aurez pour seule explication : “Je ne m’en souviens plus…”.

LOIN D’ÊTRE FROIDS DANS LE GRAND FROID

Saint LaurentDe gros SUV aux grosses cylindrées qui ne détournent pas les conducteurs de leur courtoisie au volant. Respectueux des limitations de vitesse, ils ralentissent et s’arrêtent spontanément pour laisser le piéton traverser sans le presser — comportement qui semble être totalement inconnu des conducteurs français. À Montréal, la discipline et le civisme vont de pair : les piétons ne traversent pas n’importe où/comment. Tellement intraitables que si vous avez la malchance de marcher sur une piste de ski de fond, vous aurez le droit à un bon sermon avec l’accent québécois, c’est encore plus impressionnant. Comme tout le monde, on fait la ligne * pour prendre le bus et tous les titres de transport sont évidemment validés ! A l’opposé du Roissybus, dépourvu de wifi, le chauffeur Montréalais vous viendra en aide pour ranger votre valise et ainsi optimiser l’espace à l’intérieur et améliorer le confort des voyageurs. Dans le métro, personne ne saute les tourniquets, s’il ne reste qu’une seule place et que vous êtes en couple, l’on vous laissera volontiers la place, histoire de ne pas vous faire passer un sale trajet debout devant votre blonde *. “Ce n’est, certes, pas la plus belle ville du monde” reconnaît Martin, guide touristique de la ville, mais ce qui caractérise la ville de Montréal c’est sa “faible densité, l’absence de stress, l’enthousiasme des habitants et le côté sécurité de la ville”.
La présence policière est subtile. On peut sortir son téléphone portable en rue, dans le métro sans se soucier d’un vol à l’arrachée. Le seul risque à l’extérieur, si vous êtes un inconditionnel du clavardage *, est d’avoir les doigts congelés avant d’avoir pu terminer votre texto.
Vieux PortMême si le froid est sec, les habitants de Montréal le concèdent, “il fait frette *”. Les parcs sous la neige, donnent l’impression d’être à la montagne. Les lacs ayant gelé offrent de magnifiques cadres pour des patinoires naturelles. La plus romantique et impressionnante est celle du Vieux-Port où vous pourrez profiter d’une glace de qualité sur le fleuve du Saint-Laurent. Les plus courageux tiendront jusqu’à 22h pour observer le panorama sur le Vieux Montréal la nuit.
N’oubliez pas votre maillot ! Au risque de vous surprendre, par -30 ° C, les plus audacieux apprécieront de se baigner sous les flocons de neige, dans une piscine extérieure chauffée avec vue sur le quartier d’affaire à l’hôtel particulier, Le St-Martin, quatre diamants (équivalent à cinq étoiles français).

LA VIE OUTRE-ATLANTIQUE

Reuben's SandwichGastronomiquement, au vu des nombreux restaurants rapides *, on pourrait croire qu’il s’agit d’un avant-goût Étatsunien. “Presque mais en meilleur” selon Frédéric Mathieu, Chef français installé récemment à Montréal. Martin en est certain “À Montréal, on fait le meilleur bagel du monde”. Le secret pour réussir ce fameux pain rond serait d’y ajouter du miel à la fabrication pour le rendre plus moelleux. C’est ce bagel qu’utilisent Reuben’s Deli et Schwartz’s pour élaborer l’emblématique sandwich à la poitrine de bœuf fumée, autrement appelée par les juifs ashkénazes (de l’Europe l’est) : le pastrami.
Dans un registre moins diététique, il y a les hambourgeois * de Five Guys dont la qualité et le goût surpassent les Mc Donald’s et autres Burger King.
Résumer ainsi l’alimentation au Canada serait un parfait cliché. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, leur cuisine quelque peu réinventée, s’inspire clairement de la cuisine française. Si vous souhaitez manger santé *, il faudra faire un détour du côté du marché Jean Talon. Un marché pas comme les autres où vous trouverez tous les fruits — que vous pouvez goûter avant d’acheter — même hors saison, comme des fraises, au goût un peu trop bon et au dosage en sucre parfait et apparemment sans préservatifs *. Un large choix de sirop d’érable, dont celui de couleur claire, qui est rare en France car il nécessite 40 litres d’eau d’érable et donc plus fin en bouche. Sirops d'érableL’érable qui reste le produit phare du Canada puisqu’il est aussi décliné sous de nombreuses formes comme le beurre d’érable ou la tire d’érable sur neige ; l’érable à l’état pur est chauffé à 113,8 °, versé ensuite sur un lit de glace, prêt à être enroulé et dégusté tel une glace. Ce dernier coule également à flots sur les crêpes américaines *. Les meilleurs pancakes, à la fois en terme de fraîcheur et d’épaisseur, se trouvent au restaurant L’Avenue.
Néanmoins, aller au restaurant à Montréal n’est pas une sinécure. L’on vous assigne * une table : “Bonjour, ça va ?” vous lance le serveur. Ca y’est, vous êtes séduis et endossez à votre insu le rôle d’un chef de paie. Vous prenez conscience que le garçon n’est pas payé et que selon la coutume américaine, c’est à vous de payer le serveur, au minimum 15% de votre addition. Chez les 3 Brasseurs, on ne passe pas par quatre chemins, il est écrit en majuscule sur le ticket de caisse : “S.V.P PAYEZ VOTRE SERVEUR”. Ajoutez à cela la Taxe de vente du Québec de 10 % saupoudrez le tout d’une Taxe sur les produits et services de 5 %. Décidément bien salé, vous en oublierez presque que vous étiez venus pour manger !

DES CANADIENS PAS TRÈS CATHOLIQUES

Hockey sur glace - Centre BellLe hockey sur glace est “la religion” au Canada. On comprend pourquoi ce pays a été médaillé d’or aux Jeux Olympiques de Vancouver en 2010, puis en 2014 à Sotchi. Il suffit de vous balader avec un bonnet des Canadiens dans les rues de Montréal pour vous attirer la sympathie des supporters. Une ambiance que l’on peut retrouver lors d’un match où le show à l’américaine dans une immense arène nous transporte dans l’univers d’un sport institutionnel mais hélas méconnu du grand public européen. Les joueurs nous inviteraient presque à prendre un bâton * et une rondelle * pour les rejoindre. A défaut de pouvoir assister à un match, ne faîtes pas la gueule et allez boire une Belle Gueule accompagné d’une poutine, plat traditionnel québécois, à Poutineville où vous pourrez toujours suivre le match à la télévision. Mais attention à ne pas tomber dans le piège de la grande assiette, ces quelques dollars de différences risquent de vous rester sur la conscience et par la même occasion sur les poignées d’amour.
Le nom de la ville de Montréal viendrait sûrement de Jacques Cartier lorsqu’il gravit la montagne d’Hochelaga, il fut frappé par la beauté du paysage et le qualifia de “Mont Royal” qui au fil du temps devint “Montréal”. Ce “Mont Royal”, contrairement à l’ancienne candidate lors de l’élection présidentielle de 2007, porte bien son nom, puisque cette dernière n’a pas été si royale que cela lorsqu’elle prit position pour la souveraineté du Québec.
Pas étonnant aussi qu’Arnaud Montebourg, ancien porte-parole de Ségolène Royal, y voit dans cette ville une référence exemplaire, sûrement une source d’inspiration à appliquer à ses idéaux pour enfin aboutir sa politique de redressement productif.

Note de l’auteur : Tous les mots de cet article accompagnés d’un astérisque sont des anglicismes ou des québécismes qui ont été traduits à l’aide du Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française car “il est tout à fait naturel de vouloir vivre et consommer en français au Québec.”

Daniel Latif

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