Il régnait comme une sorte d’ambiance mystique à Roland Garros ce mercredi 5 juin. Alors que le public retenait son souffle devant Maria Sharapova se faisant malmener par Jelena Jankovic (0 – 6), Rafael Nadal, réduisait à néant le Suisse Stanislas Wawrinka (6-2 / 6-3 / 6-1).
Depuis la célébration de son 27ème anniversaire, le Majorquin se sent pousser des ailes. En effet, ce dernier a nettement amélioré son jeu et semble avoir le soutien des dieux du filet, qui lui ont permis de marquer des points autant inoubliables que spectaculaires. Le tenant du titre n’a pas hésiter à rabâcher avec cynisme : “Aujourd’hui mon niveau de tennis était très bon. Gagner contre un joueur comme Wawrinka est impossible avec un tel score, à moins de jouer à un très haut niveau !”.
Ce jour-là, un soleil prodigue fait son apparition, le thermomètre affiche 31 degrés, on ne pouvait guère attendre de meilleurs auspices. Non loin du court Philippe Chatrier, sur le Court numéro 1, des Légendes du tennis ont fait apparition.
Acclamés dès leur entrée sur la terre battue, le Suédois Thomas Enqvist et le Français Sébastien Grosjean se retrouvent à affronter une drôle d’équipe “non-européenne”. Face à eux : l’Argentin Gustavo Gaudio et le Croate Goran Ivanisevic. L’un avec son mètre 75, peine à servir correctement tandis que l’autre, 1m95, incarne une figure de formateur. A la fois Capitaine d’équipe, prêt à ré-hausser son partenaire avec une caisse Perrier pour faciliter son service. Il ira même prendre le temps, en plein match, de lui faire faire quelques services à blanc. L’arbitre n’a guère le choix, il acquiesce. “Tu as bien compris ? répétant le geste avec son acolyte. En haut… puis en bas !”. Goran Ivanisevic rappelle également la figure du Capitaine crochet, lorsqu’il rit diaboliquement après l’envoi d’une balle sournoise à l’équipe adverse, qui pensait qu’il jouait encore à blanc. Ou encore, Capitaine de Paquebot, quand il délègue toutes les balles à son poulain Gustavo Gaudio : “You, you… You again !!!” et que ce dernier, las, lui rétorque “No, don’t say YOU. Next time YOU do !”.
Cette drôle de tandem qui fait figure de Laurel et Hardy a grandement amusé le public qui, conquis par la bonne ambiance et le bon esprit qui règne sur ce court n°1, a décidé de rester toujours aussi nombreux pour le match suivant de ce tournoi atypique.
Le Trophée des Légendes Perrier, crée à l’initiative de Mansour Bahrami en 1997, remet en scène les Grands du jeu de raquette pour le bonheur des plus grands comme des plus petits.
Cela fait 7 ans que Gérard, directeur d’un établissement scolaire, assiste immanquablement au Trophée qui a lieu pendant la deuxième quinzaine de Roland Garros : “J’aime la convivialité qui règne entre les joueurs et le public, cela me fait toujours plaisir de revoir les joueurs qui ont marqué mon enfance”.
Place cette fois-ci aux Légendes de plus de 45 ans : Mansour Bahrami aux côtés de Pat Cash rencontrent Henri Leconte et Guy Forget. Tous vêtus de bleu, ils débutent le match. Henri Leconte sert, le juge de ligne beugle un : “Mowwwaoh !!!”. Le public est en proie à un fou rire devant la mine déconfite du serveur qui proteste : “Comment ça ? Mais ça n’existe pas la faute de pied sur le senior tour !” Un spectateur crie : “Allez les vieux !”. Leconte ne tarde pas à répliquer haut et fort : “Les bleus !!! Les vieux ? non mais ça va pas ?”. Et il a raison de s’insurger, rares sont les vieux qui peuvent encore servir à 204 km/h. Les jeux sont serrés et les équipes peinent à se démarquer. L’arbitre de chaise crie à la faute ! Mansour Bahrami conteste à son tour et sort un carton rouge de sa poche puis prend l’arbitre par la main pour l’exclure. C’est tout en l’invitant à regagner les coulisses qu’il fait rentrer Yannick Noah qui s’installe nonchalamment sur la chaise d’arbitre.
Une légende parmi les Légendes.
Le public n’en croit pas ses yeux ! Henri Leconte m’explique que le vainqueur de Roland Garros en 1983 n’a pas pu être son co-équipier cette année pendant le Trophée des Légendes Perrier à cause d’“une blessure survenue lors de l’entraînement”.
Le jeu reprend. Yannick Noah annonce timidement les scores : “15 – 0” ; “30 – 0” qu’il argumente toujours au micro d’un “Ah c’est dommage !” lorsqu’une balle est faute. La légende du tennis fait fureur et les gradins réclament une chanson. En vain. Yannick Noah reste concentré sur le match et prodigue de temps à autres quelques commentaires à son co-équipier : “Vraiment t’as rien perdu”. En atteste également Gérard, qui confirme : “Même en vieillissant, ils gardent le même toucher de balle et le même savoir faire”.
Mansour Bahrami commence le show et amuse la galerie. Cela va du simple “baisser de filet” pour faciliter le service de son partenaire, en passant par “la tactique du Sioux”, s’approchant du filet, tout en prenant l’apparence d’une statue figée, sans que le serveur ne s’en aperçoive. Également “le coup droit feinté” ou “façon derviche tourneur” pour finir avec le redoutable “service mitraillette”, ce qui a le don de déstabiliser Guy Forget mais de déclencher l’hilarité dans les gradins.
Derrière ce genre de facéties visibles uniquement lors de ces matches d’exceptions où la bonne humeur et la déconne règne, il y a un vrai tennis de précision et un jeu très technique mis en place pour réaliser ce genre de performance.
“Je fais toutes les bêtises que je veux, des choses que personne ne pourrait faire sur le court !” déclare Mansour Bahrami. Yannick annonce une faute, les joueurs restent sceptiques : “Vous êtes sûr ?” Yannick équipé de lunettes de soleil répond confus : “Euh ! Je ne vois rien”. Il consulte alors le public et mesure au bruit quelle équipe devrait remporter le point. Il décidera finalement de remettre la balle.
Un match Surréaliste !
“Mansour !!!”, un cri retentit dans les gradins, le joueur iranien s’arrête et répond naturellement “Oui ?”. Non, vous ne rêvez pas, le Trophée des Légendes Perrier reste le seul moment de Roland Garros où vous pourrez voir le public interagir avec les joueurs. Les joueurs ne se focalisent pas uniquement sur le score. Soucieux, Henri Leconte interpelle un ramasseur de balles ainsi : “t’arrêtes pas de courir, toi !?”. Les joueurs n’hésitent pas à applaudir et à féliciter l’autre équipe lorsqu’ils marquent un beau point. La reconnaissance de Mansour Bahrami s’étendra jusqu’à venir embrasser la bande du filet pour le remercier de lui avoir permis de tromper ses adversaires et de marquer ainsi le point. De surcroît, il y a de vraies valeurs de partage et de respect notamment quand Guy Forget et Henri Leconte décident spontanément de passer le balai ainsi que le filet pendant leur pause. Surréaliste ! Tout le tennis y est revisité, même les captivantes muses y sont parodiées avec de longs râles et soupirs exagérés. Vous me demandez le score ? Eux l’ont oublié.
Mais comme vous insistez, le voici : 5 – 7 / 6 – 2 / 1 – 0. Guy Forget et Henri Leconte se qualifient et rencontreront Mats Wilander et Mikael Pernfors sur le Court Suzanne Lenglen.