Coup de foudre à la Trump Tower

À quelques encablures de Central Park, sur la 5ème avenue, se trouve la Trump Tower. Sous le premier mandat de Donald Trump, les agents des services secrets y montaient la garde en permanence et les visiteurs devaient passer à travers un portique de sécurité avec des contrôles similaires aux aéroports en raison de la présence très régulière du magnat de l’immobilier qui y séjourne notamment les weekend. 

Le Président Trump réside désormais à la Maison Blanche à Washington. Il y a toujours une présence policière aux alentours mais plus de contrôle à l’entrée de la Trump Tower. 

Assis au bar du restaurant le « Trump Grill » — où trône un tableau du charismatique père de Donald, Fred Trump — je décide de tester le fameux menu « Prix fixe » à 47 dollars. En entrée, c’est salade César ou soupe du jour.

À ma gauche, au bout du comptoir, Jeff, habillé d’un jean Levi’s et d’un pull rose, double chaîne, dont une avec une croix bien pendante, au look typique étasunien. L’homme a un certain flegme, dont l’intonation de voix charismatique, qui rappellerait un personnage tout droit sorti d’une de ces sitcoms US des années 90. Il semble bien connaître la maison et s’entretient régulièrement avec Luca, la directrice du restaurant.

Arrive une dame avec son bonnet sur la tête, qui s’installe à ses côtés. Elle commande une coupe de Champagne, lui a déjà sa pinte de bière. Ils se regardent, se sourient et ont l’air de se connaître puis commencent à échanger des banalités sur leur début de journée quand soudain, la femme retire son bonnet et enlève son manteau :
« enchanté, je suis Lisa, je suis de Californie
Pareillement, Jeff, je suis de Pennsylvanie »

Serait-ce un début de « date » après avoir déjà conversé en ligne ou une conversation codée ? Je tends l’oreille, tout en finissant la soupe minestrone. 

Arrive un jeune homme qui demande s’il peut s’asseoir aux côtés de Lisa. Il commande un « Burger Trump » et un Coca-Cola, puis se joint naturellement à leur conversation, comme s’il était un ami de longue date. Le « Burger Trump » est un burger signature dont la sauce est « spéciale » au « fromage américain ». Pas impressionnant du tout. Le garçon plie son déjeuner, paye et s’en va aussitôt.

Il me reste encore trois alternatives : le « black bean burger », version végétarienne avec sauce Chipotle, fromage américain, avocat et pickles d’oignons. Non, merci ! Le « Cajun chicken sandwich », fromage au poivre, bacon, mayonnaise chipotle et avocat. Bof…

Enfin, le « Prime NY Strip steak », une belle pièce de bœuf recouvert de sauce au poivre, saupoudré de persil et accompagné de frites maison. « C’est le plat préféré de Donald Trump » recommande Luca. Pour ce plat, comptez un supplément de 20 $. 

Vient la question cruciale de la cuisson :
« rare, s’il vous plaît
Saignant ?
Tout à fait ! » lancé-je impressionné

Pendant ce temps, nos deux amis échangeaient sur leurs vies respectives : « j’étais marié, divorcé, contrairement à mes frères et sœurs, je n’ai fait aucune étude mais j’ai toujours su me débrouiller. Et j’ai pris ma retraite anticipée quand j’ai vu que tout le monde autour de moi disparaissait. C’est à ce moment que j’ai pris conscience qu’il était temps de vivre » confesse Jeff à Lisa qui boit ses paroles…

Arrive le fameux plat préféré du Président Trump. Un verre de vin est offert dans le « prix fixe menu », j’opte pour le verre de Showdown, un vin rouge Cabernet sauvignon de Californie. Un étonnant rouge, à la robe puissante, parfaitement construit, qui inspire le soleil à chaque gorgée, laissant de douces notes sucrées en bouche.

Le fondant du « Prime NY Strip Steak », dont la cuisson parfaitement maîtrisée, sa sauce au poivre mêlée à son jus qui donne encore plus de saveur aux frites, faites maison, ponctué de ce surprenant vin californien m’ont plongé dans un moment hors du temps où je savoure chaque bouchée. 

« Ce jeune homme a l’air de se régaler » commente Lisa, qui poursuit dans le récit en détail de son curriculum vitæ avec Jeff, tout en m’observant.

« Cette viande me donne l’envie d’en prendre une bouchée, vous me la recommandez ? Relance-t-elle
Absolument, tout est délicieux ! Habituellement, je n’aime pas les frites mais là je me suis délecté de leur fraîcheur et de leur croustillant.
Ça se voit, je vous observe depuis tout à l’heure et nous autres américains nous mangeons trop vite. Je n’ai jamais vu quelqu’un manger avec autant de raffinement et prendre autant son temps. Ça doit être le côté français. Et de poursuivre, enchanté, moi c’est Lisa et voici Jeff, nous venons de nous rencontrer à l’instant.
Votre proximité, vos regards dégagent une harmonie qui laisse à croire que vous vous connaissez depuis de nombreuses années.
Et pourtant… je viens tout juste de le rencontrer : je me suis approchée pour prendre un verre avec ce monsieur, car il m’intriguait. Vous pensez qu’on va finir ensemble ?
Je perçois une complicité qui vous conduira vers une grande amitié, qui mènera naturellement aux grandes amours.

Lisa semble ravie de connaître ma perception, Jeff en rougit et se rapprochant d’elle : « c’est vrai qu’on s’entend bien alors qu’on vient seulement de se rencontrer », lance-t-il tout émoustillé. Ils se regardent et s’embrassent aussitôt. Le spectacle amoureux est aussi beau que spontané. 

Le chef a été généreux, j’ai eu deux boules de glace au café. Servies dans ce pot en carton « Trump sweets », je me saisis de la cuillère en plastique et prends une bouchée. Lisa ne perd pas le Nord : « je vais vous commander un steak, comme celui du jeune homme qui me donne envie » annonce-t-elle à Luca. 
Il est quinze heures Madame, les cuisines sont fermées. »

Jeff lui propose d’aller manger dans un restaurant qu’il connaît dans le quartier, ce qu’elle accepte. Il paye, elle refuse, elle veut payer, il insiste, elle hausse le ton : « Jeff, stop it ! »

Elle demande à la maîtresse des lieux le livre d’or de Trump puis s’éloigne pour y écrire un mystérieux message. 

Elle revient et prend Jeff par le bras : « allons-y !
Qu’as-tu écrit dans le livre d’or ?
Un message personnellement adressé à Donald Trump.
M. Trump lit personnellement tous les messages qui y sont inscrits » précise Luca qui referme soigneusement le livre et le range aussitôt. 

Eu regard du grand sourire dessiné sur le visage de Luca, on pourrait très probablement penser que Lisa a pris le soin d’informer le Président Trump qu’il devrait adapter les horaires de son restaurant au rythme New-Yorkais.