Le mystère de la borne WiFi fantôme

« Mais non, les RG sont pas aussi cons pour faire un truc comme ça » se raisonne Gilles. L’idée était quelque peu surréaliste. Toutefois, l’hypothèse de la fausse borne Wifi utilisant le même nom dans le but d’espionner l’activité du trafic réseau et de récupérer les identifiants de connexion au sein de cette entreprise réputée était plausible.

Après avoir procédé au renouvellement de l’infrastructure des serveurs et du réseau sans fil, Gilles, expert informatique chez Wolface, avait remarqué une activité suspecte. En effet, sur son écran, apparaissait cette borne Wifi de la marque Cisco qui continuait à émettre et se faire passer pour un réseau de l’entreprise. Les techniciens de maintenance informatique permanents sont formels : « c’est impossible ! ». Inconnue au cahier des charges — qui en répertoriait un total de 15 réparties à travers les quatre étages de l’immeuble — le voici confronté à une mystérieuse énigme de la borne numéro 16.

Assis devant les 15 anciennes bornes déconnectées, Roman était plongé dans une torpeur à l’idée de faire une telle découverte. Voulant brasser toutes les possibilités, Gilles évoque un éventuel signal fantôme à « effet de latence comme lorsque tu regardes une étoile dans le ciel. Elle brille alors qu’en fait, elle est déjà morte ».

D’après le moniteur et après quelques déductions avec le numéro de série, la borne wifi devrait se trouver entre le premier et le troisième étage, « à proximité de l’ancien emplacement de la Borne 11 ».  En dépit de l’indication vague, Simon, son collègue, partit aussitôt parcourir les bureaux : « j’ai ma petite idée, je crois savoir où elle se trouve ». inspectant les couloirs, scrutant attentivement les plafonds, persuadé qu’il parviendrait à mettre la main sur le boîtier douteux. 

Après plusieurs passages à travers les pièces, inspectant y compris dans les escaliers de secours tel un démineur. De retour à la case départ, suite à une chasse infructueuse, il croise Gilles, ordinateur portable en main, déambulant au gré de la puissance du signal émis par la borne clandestine.

C’est le moment crépusculaire. La borne reste toujours introuvable mais continue à émettre sur le canal 12. Roman, Simon tentent de rassurer Gilles : « La nuit porte conseil, allons manger et on verra demain ». En vain. En plein dîner, il quitta la table soudainement pour retourner dans les locaux de l’entreprise. Aux grands maux, les grands remèdes. Il imaginait une approche plus scientifique : la triangulation.

En théorie, il suffit de tracer un axe à partir de trois points différents où la réception du signal est optimale. En pratique, le bâtiment comporte plusieurs étage avec une autre extension côté rue. Un vecteur qui vient compliquer l’application d’un cas pratique bien connu des agents du CSA à la recherche de la provenance du signal de radios pirates.

L’ingénieur en informatique se mis en tête de coder une application radar sur son téléphone afin d’affiner ses recherches, en complément d’une localisation GPS. Commence ainsi, une traque de la borne fantôme qui se poursuivit jusqu’au petit matin. 

D’après les données récoltées tout au long de la nuitée, la borne se situerait au milieu du premier étage mais une fois sur place il perdait la trace du signal. Un casse-tête qui prit fin lorsqu’un de ses collègues évoqua l’immeuble côté rue. « On l’a pourtant visité hier ?
— Certes, mais on est allé au deuxième étage et on a oublié le premier ! ».

Les trois mousquetaires se regardèrent et bondirent de leurs chaises, courant à travers les escaliers, traversant les couloirs étroits. Ils arrivèrent devant une porte où il était inscrit sur une plaque « Direction ». Toc-toc, personne ne répond. Gilles ne tient plus, il ouvre la porte et tels des inspecteurs de police en pleine perquisition, ils surprirent deux employés : 
— Oui, bonjour ?
L’équipe qui ne s’attendait pas à croiser du monde à cette heure-ci, répondit vaguement : « On cherche une borne wifi ». Se contentant de pointer la borne fixée sur le pilier central, ne comprenant pas trop cette requête incongrue, les membres de la direction reprirent leur travail.

S’approchant impatiemment, Gilles réalisa que le boîtier gris suspendu n’était pas la borne recherchée. Dépité, il s’assit sur ce canapé, essayant de refaire le scénario depuis le début à la recherche du détail qui lui aurait échappé. Mais le jeune homme n’avait plus les idées claires et tout ce dont il rêvait à ce moment c’était un bon petit déjeuner puis d’un café. Inconsciemment, ses yeux se posèrent sur la machine à café et la bouilloire sur cette étagère Ikea. En dessous, des gâteaux dans une boîte métallique et à côté du miel… Brassant du regard les différentes cases, il aperçut une pile de papiers en vrac posés sur une boîte d’où émanait un faisceau lumineux vert. Incrédule, il se leva sans dire mot. Pensant qu’il était l’heure d’une pause café, Simon, Roman l’accompagnèrent de ce pas. Soulevant le paquet de feuilles, il découvrit enfin la borne WiFi tant convoitée. 

 « Mais non … » s’écria Roman, se saisissant du boitier afin de vérifier l’adresse IP. Son premier réflexe est de vouloir débrancher la prise Ethernet, en vain : « saloperie de câble, il ne veut pas sortir », agacé, il se saisit d’un tournevis et pète le câble. 

Après une recherche intensive et même si le signal de la borne wifi a disparu, les interrogations persistent. Espionnage industriel ou surveillance des salariés ? Pourquoi la borne n’était-elle pas référencée ? Peut-être servait-elle uniquement pour la machine à café ? Quoi qu’il en soit, le mystère de cette borne wifi fantôme reste toujours non élucidé.

Daniel Latif