Salon SNCF Grand voyageur Paris Gare de Lyon : le haut lieu de revendication

Il y a deux catégories de voyageurs : le petit voyageur et le Grand voyageur. Et notre Grand voyageur ne voyage pas pour le plaisir, il fait du Business. À défaut de la carte de fidélité Grand voyageur, c’est la mention que vous devez avoir sur votre billet si vous voulez accéder au Salon grand voyageur TGV Inoui de Paris gare de Lyon. En effet, à la SNCF la Business est plus prestigieuse que la 1ère classe.

Dans la plupart des lounges, il faut grimper au deuxième étage pour trouver un peu de calme. Là, vu le peu de place au rez-de-chaussée, il n’y a pas le choix : il faut monter les escaliers ou prendre l’ascenseur.

À l’étage, le salon vous offre son plus beau panorama sur les panneaux publicitaires Lacoste parfaitement disposés pour vous gâcher la vue et cette immense bâche Longines avec Jennifer Lawrence qui nargue le voyageur — qui va se sustenter à la Brioche Dorée — avec sa montre Longines DolceVita au poignet, légendé et signé par l’émouvant épigraphe : « l’élégance est une attitude ».

Ces boissons sont préparées gratuitement et servies à volonté par la machine Selecta. Oui, oui, vous avez bien lu gratuitement et Selecta dans la même phrase.

Comme celle du Salon de la Gare Montparnasse, le choix y est impressionnant. Ainsi, trois machines réparties dans le salon vous proposent du café en grains Bio et Fair Trade avec une déclinaison improbable autour du café : ristretto, expresso, expresso crème, expresso allongé, double expresso, café ou café américain.

Ceux qui n’aiment pas le café mais qui ont besoin d’une dose de caféine seront également servis avec une déclinaison de cafés gourmands : cappuccino, mocca, café latte, latte macchiato. Enfin, les enfants seront tout émoustillés de découvrir les déclinaisons de duo chocolat, chocolat viennois, chocolat chaud et chocolat blanc. 
Un tel large choix qui n’a rien à envier au plus sophistiqué des distributeurs de boissons chaudes que vous avez pu connaître dans vos années fac. 

Les amateurs de thé ne seront pas laissés pour compte avec un choix des plus alléchants de thés Clipper dont un sachet à la menthe et citron spécialement conçu pour les infusions à froid.

Je vous ai mis la liste exhaustive pour que vous puissiez rapidement faire votre choix. Car ici aussi, il faudra faire la queue et vous n’aurez que peu de temps afin de réussir à vous décider parmi la pléthore de boissons proposées. Et vous le savez bien, le voyageur en train est pressé. Alors imaginez, à quel point le Grand voyageur peut s’impatienter. D’ailleurs, celui derrière-moi s’en agace tellement qu’il me colle de plus en plus.

Ici, vous êtes un peu comme chez Ikea. Vous parcourez des allées de parquet et observez les différents espaces, la variété des canapés, il y a des sièges de taille super size, plus ou moins hauts. Là-bas, des beaux sièges façon Thalys en 1ère agencés en compartiments de train. Une belle illusion qui vous préparera sans doute psychologiquement pour votre voyage.

Un intrigant panneau indique que le salon dispose d’une bibliothèque. Je cherche, en vain. Aucun livre présent sur cette étagère traversante. Une belle diversité de plantes et quelques jeu de société dont un jeu à damier, un Digit — où il faut trouver le bon mouvement. Le Cogitus, le solitaire des jeux de stratégie, n’a pas trouvé preneur, et ce Pontu, avec écrit en gros dessus « fabrication française, artisanale et éco responsable » n’a connu guère de succès, non plus.

« Tac tac tac tac… Aaaahhhhhhhh ! » se soulage un passager qui conclut : « oh ! Ça fait du bien, ça faisait longtemps… Est-ce que je vous dois quelque chose ?
Pas du tout Monsieur, c’est un service que l’on propose au salon ».

Pas de bibliothèque, mais un coin massage où les femmes et hommes d’affaires peuvent venir se détendre avec la vue sur le Hall 1 et ses interminables va-et-vient. 

Au détour des pseudos demi-alcôves qui peinent à masquer les commérages. On peut participer à la conversation de Micheline et Giselle. Ces jeunes demoiselles se sont installées  sur le canapé du milieu, buvant leur café comme si c’était du Calva, elles ricanent à gorges déployées puis entre deux messages envoyés sur WhatsApp et un défilement frénétique de leurs réseaux sociaux ponctuent leurs conversations de « putain », « grave », « j’avoue » et de « ah ouais !? » à tout va. 

Le Monsieur Business sur son ordinateur portable ne tient plus, il décide de changer de place.

En dépit du confort et du standing des vastes fauteuils et de la variété des espaces à vivre, l’envie de m’asseoir n’est pas présente. On regrette définitivement les roulés à la cannelle ou les hot dogs. Car, c’est ce qui manque cruellement à ce salon : de quoi manger ! Et quand on a rien à manger et qu’on a que de la presse à se mettre sous la dent : gare à la rage de dent !

La presse disposée sur des comptoirs est déjà à moitié envolée. Dieu soit loué, les journaux sont sous baguette en bois, personne n’ose encore les décrocher pour les emporter. Deux magazines se battent en duel. Je ne parle pas des catalogues publicitaires Wallpaper * ou de Culture Golf Fairways que personne n’a embarqué, soit en raison de leur poids, soit parce qu’ils sont en anglais…

Il reste deux magazines : Challenges avec sa Une « qui va succéder à Macron ? » et Marianne « ceux qui ont fait dérailler la SNCF ».  Les responsables de ce lounge doivent être sacrément politisés ou avoir une bonne tranche d’auto dérision. 

Un panneau indique « plus de 100 titres de presse en un clic » grâce à une application à télécharger.
Une dame en train de signer le livre d’or : « Sans la presse quotidienne, le salon perd tout son intérêt. Triste. »

Un passager curieux qui lisait le message sur son épaule lui répond aussitôt : « Ils ont voulu la jouer écolo, mais ça marche pas. La presse sur le téléphone s’affiche mal, ça pixelise et c’est mal scanné, on n’arrive pas à lire pas les coins ».

Amusé par ce recueil, je commence à le parcourir. Ce livre, comme son nom l’indique, est une vraie mine d’or. Il se lit en discontinu et affiche clairement ce que pensent les Grands voyageurs, leur philosophie et leurs opinions politiques.

En voici un florilège :

« À bas les VIP, nous sommes tous humains » Anonyme

« Rien n’est trop beau pour la classe ouvrière » Anonyme

«Top d’avoir prévu des espaces pour changer les bébés aussi dans les toilettes homme !» écrit un autre anonyme.

« Il était une fois un salon grand voyageur agréable, où l’on pouvait lire la presse, boire un coca, une eau gazeuse, un café ou même une bière, feuilleter un magazine. Tout cela est bien loin ! On a l’impression d’être dans une étable, où les vaches, au lieu de ruminer, consultent leurs e-mails. Quelle déchéance ! Je préfère aller au café. Salut ! » s’insurge Jojo le 15/09/23

« Impossible d’accéder à la presse numérique pour les billets 1ere pro ? » 

« La suppression des journaux est fort regrettable. Cette décision unilatérale sans information est un très mauvais signal aux grand voyageurs » écrit Pierre, qui a eu un droit de réponse en dessous : 

« et l’écologie monsieur ? » suivi d’un tampon Salon grand voyageur TGV Inoui Paris Gare de Lyon du 1er septembre 2023.

Ce qui a agacé « CC » qui a lui aussi exercé son droit de réponse sur une page entière : « Où sont passés les journaux, les revues que nous lisions avec délice dans le salon grand voyageur. Même la lecture des journaux sur place n’est plus possible ?

Non, lire la presse sur Internet n’est pas écologique !!! Les outils numériques dévorent l’énergie. Lire sur des petits écrans fusille les yeux, la vision. Et la matérialité du papier, sa sensualité, qu’en faites-vous ? SVP. Remettez les journaux ».

« Merci d’avoir remis les journaux » signe Jph quelques pages plus loin.

Après avoir parcouru autant de petite littérature de gare aux relents plus ou moins propagandiste, à travers certains mots, j’ai préféré prendre le magazine Wallpaper * et quitter le lounge.

Allez, salut la compagnie !

Daniel Latif
Photos : DL /DR

Voyage dans le temps à bord d’un train spécial

Paris, Gare du Nord, 9h10. Le panneau de départ des grandes lignes indique un « TRAIN SPÉCIAL » association MFPN, à l’heure à la voie 18. 

Il s’agit d’un train touristique affrété par l’association Matériel ferroviaire patrimoine national. Ce matin, c’est Mateo Derosais, habituellement conducteur de train à Paris Saint-Lazare, qui prend les commandes d’une locomotive à la disposition singulière. Il s’agit d’une locomotive diesel, monocabine qui a passé sa carrière à faire du transport de marchandise. Un petit détail attire l’œil du connaisseur : la mention « Dijon – Périgny », son technicentre d’attache, où elle était régulièrement entretenue. 

Cette locomotive immatriculée BB69432 va tracter des voitures inox des années 60 et voiture vertes, type OCEM, des années 30, embarquant 366 passagers : direction Le Tréport. 

Stéphanie, une vacancière ou « touriste du samedi » comme elle aime se présenter, adore embarquer en train car « le train, c’est le voyage ». Et celui-là, ce n’est pas n’importe quel train car ici « pas de QR code à scanner pour ouvrir les affreux portiques. Et en plus, personne ne râle ! » observe-t-elle. Un train où tout le monde est tout sourire, on comprend pourquoi il porte la mention de « train spécial ». 

Son programme, comme pour d’autres n’est pas encore établi. Il s’agit avant tout d’aller au Tréport, ville qu’elle n’a encore jamais visitée. 

A bord des voitures Inox datant des années 70, c’est un voyage dans le temps et un dépaysement complet. Les sièges ont le standing et le confort d’une banquette, les fenêtres s’ouvrent grand et il y a même un contrôleur en uniforme d’antan et montre à gousset. 

A bord de la cabine, le conducteur est assis en position arrière, derrière le long museau de la locomotive. Mateo se réjouit de piloter « un train vivant, qui fait du bruit. Plus contraignant à conduire, car il y a plusieurs choses à surveiller et il faut être à l’écoute de la machine ». 

Surveillant les arrières du convoi, pour vérifier que tout se passe bien, il suit scrupuleusement son plan de route sur son iPad avec les conseils bienveillants de Didier Hanot, ancien conducteur, qui officie comme copilote. Nostalgique, il a même ramené son fascicule horaire de 2005 : « À l’époque, on n’avait pas de tablette, on dessinait notre étude de ligne et toutes ses spécificités »

Le paysage se profile le long des rails, l’on s’échappe de Paris et les stations défilent. On réussit à lire furtivement le nom de l’arrêt : Stade de France. 

« On est à l’heure ? » demande Mateo à Jean-Emmanuel, cadre transport chez SNCF qui lui rétorque : « Oui, on a même de l’avance ! », tout en scrutant sa tablette. 

Les différentes topographies évoluent et se dessinent pendant notre trajet. Les passages à niveau s’enchaînent. Quelques voitures nous gratifient de klaxons en guise de salutation. Des passionnés attendent le long des quais, téléphone en main pour immortaliser notre passage. Des enfants hypnotisés par notre train à l’approche d’un pont commencent à agiter les bras. Le conducteur les salue en sifflant : « TCHIIII TCHHOUUU ! », les voilà aussitôt transportés. 

Nous traversons Beauvais. On reconnaît d’ailleurs cette odeur âcre, caractéristique émanant de l’usine Spontex. 

La voie devient unique, le ballast s’efface peu à peu au profit d’une végétation. Il paraît que la SNCF n’a plus le droit d’enlever ces pans de verdure, au détriment de la sécurité et de la circulation des trains. 

La vue sur l’horizon est dégagée de tout poteau électrique, les chemins de vers serpentent. L’occasion d’admirer les voitures à l’arrière qui épousent la courbe dont cette intrigante voiture postale qui « était accrochée aux trains de voyageurs et servait au tri postal “ambulant” à bord des trains. Pendant les arrêts, les agents de la Poste (PTT) chargeaient et livraient des sacs de courrier et les triaient en roulant » explique Florian, passionné de train et bénévole à l’association MFPN. 

Il y a de surcroît cette voiture verte, bien antérieure à la SNCF, datant de 1930, autrefois nommée la PLM, Paris Lyon Méditerranée. 

12h10. Notre train arrive en gare du Tréport avec un incroyable comité d’accueil en tête de quai. Agents SNCF, chef de gare, voyageurs ou simples curieux nous accueillent tels des passagers venant d’un périple d’un autre siècle. 

Parmi les passagers, nombreux viennent souffler des félicitations aux conducteurs, leur transmettre leur bonheur vécu lors du trajet. Une dame accourt et s’exclame : « il est beau votre train, je peux regarder à l’intérieur ? Je me souviens très bien, pour embarquer c’était pas facile », commente-t-elle sous les yeux ébahis de son mari. Quelques instant plus tard, elle apparait à la fenêtre, s’adressant à son époux : « c’est chouette ! Oh, c’est marrant de retrouver ça… » puis se tournant vers les bénévoles de l’association MFPN, « vous devez être fiers, quand même !? ». Les passionnés, qui ont œuvré depuis des mois avec tout leur cœur, peinent à dissimuler leur joie devant un tel enthousiasme. 

Six heures d’arrêt pendant lesquels les 366 passagers vont pouvoir profiter de la mer. Pendant ce temps, les bénévoles s’affairent à ravitailler la voiture bar restauration, à nettoyer les wagons, les fenêtres, de fond en comble pour que le train soit pimpant pour le retour. Ensuite, il faudra manœuvrer la loco pour la placer en queue de train et repartir à Paris. 

18h40. Notre train repart direction Paris Gare du Nord. Nous retrouvons Stéphanie, qui a eu le temps de visiter Le Tréport et de se balader à Mers. « J’ai assisté à un mariage, je suis allé voir la Vierge et j’ai aperçu une soucoupe volante » affirme-t-elle tout en montrant des clichés sur son téléphone. 

Une escapade des plus improbables et une expérience des plus fluides pour cette voyageuse qui apprécie de pouvoir être « assise à la même place qu’à l’aller » . Ce qui lui permet de remarquer que ses voisins sont nettement plus zen. 

Le prochain train affrété par l’association MFPN partira le 16 décembre, le train spécial Père Noël Express en direction d’Amiens.

Daniel Latif
Photos : DL /DR

Excursion à bord d’un train pas comme les autres

Paris, Gare Saint-Lazare. Le panneau d’affichage des départs grandes lignes indique un train TER 801205 sans destination pour un départ à 08h58. Quelques instants plus tard, l’affichage en gare indique qu’il s’agit du train des Planches opéré par l’Amicale des agents de Paris Saint-Lazare, une association de cheminots et passionnés de chemin de fer, entre autres, qui œuvrent pour la restauration et la conservation du patrimoine ferroviaire roulant. 

Ce matin, une foule s’est amassée sur la voie 27 pour admirer la « 17016 », ou la 16 pour les intimes. Une locomotive électrique emblématique de la gare Paris Saint-Lazare, reconnaissable par sa robe tricolore. Datant des années 60, Il s’agit du dernier modèle existant et encore roulant. Celle-ci tracte des voitures en inox, sauvegardées et entretenues par le MFPN, une autre association de passionnés de train, le Matériel Ferroviaire Patrimoine National. 

Ils sont 209 passagers — le sourire aux lèvres, certains émus — prêts à embarquer à bord d’un train d’antan un pour un aller retour à Deauville sur la journée. L’effervescence est telle que même des agents de la sûreté ont fait le détour pour immortaliser « le beau bébé ». Cette belle locomotive qui attire tous les regards a été réformée en 2015 car elle nécessitait trop d’entretien au quotidien. 

Un voyage dans le temps

Départ à l’heure pile, nous roulons littéralement cheveux aux vents. En effet, ici, pas de tergiversations autour de la climatisation, les fenêtres s’ouvrent en grand grâce à une molette. 

Les wagons, des voitures DEV Inox coach, sont le résultat d’une belle ingénierie française, construits par Carel Fouché & co. En plus des trois voitures, il y a la voiture bar qui peut aussi s’aménager en bar discothèque grâce à ses spots multicolores au toit.

Car, le voyage en train c’est très souvent l’occasion d’y casser la croûte. Les prix sont raisonnables et la queue ne réduit pas. A l’intérieur des wagons, l’espace est vaste, les sièges sont d’un confort notoire, les noms des passagers sont inscrits sur le haut des sièges. 

« C’est une locomotive que j’ai toujours vue depuis mon enfance, on ne peut pas être insensible à ce bruit-là » s’anime Anne-Cécile, une jeune fille passionnée par les vieux trains, qui se réjouit à l’idée de pouvoir remonter dans ce train qu’elle empruntait tous les tous jours entre Pontoise et Cormeilles-en-Parisis pour ses études. 

Le conducteur titulaire du train s’appelle François Dayan. Il est reconnaissable par sa blouse bleue de travail et préfère qu’on l’appelle « mécanicien » car à l’époque il y avait un chauffeur qui « prenait le charbon et le mettait dans la locomotive puis le mécanicien qui conduisait »

Ce jour-là, il a confié la conduite du convoi à Benoît de Saint Victor, conducteur en formation, qu’il épaule aux côtés de Jérémy Capdeville, cadre transport à la SNCF qui supervise le trajet.  

C’est la deuxième fois que Benoît se retrouve aux commandes de ce train historique. Au fil des kilomètres, le convoi atteint sa vitesse maximale de 120 km/h, une première pour son jeune conducteur qui est étudiant en ingénierie ferroviaire à l’Estaca. « Je suis comme un gosse, mais avec pas mal de responsabilités sur le dos », confie-t-il. 

« Le problème de ces bagnoles, c’est que le frein est hyper mordant » explique François Dayan qui connait « Poupée » par cœur, car il est en grande partie responsable de son entretien. Cheminot depuis 1991, il regrette ne plus avoir une telle locomotive au quotidien : « dans les trains complètement aseptisés d’aujourd’hui, tout se fait avec des écrans d’ordinateurs » détaille-t-il tout en profitant d’une courbe pour jeter un œil par la fenêtre, voir s’il n’y a pas d’anomalie et que tout va bien. 

La grande famille de la SNCF

« Tchouuu tchiiii tchouu » siffle le train que l’on croise, les conducteurs se saluent car à la SNCF on est en famille. Un autre plus loin nous revisite la Cucaracha avec son klaxon, l’effet sur les pilotes en cabine est garanti.

Il y a également les ferrovipathes qui foisonnent tout le long de notre parcours. Sur les ponts, à travers les champs ou aux gares… tous attendent patiemment l’arrivée du train des Planches en espérant pouvoir saisir le meilleur des clichés photo. « Eh ben, quel succès ! » souffle Jérémy Capdeville devant un tel rassemblement qui le laisse sans voix. 

Nous sommes au point kilométrique 47, « Ah mais c’est Romain !? ». Le jeune homme en question fait un signe de la main, il s’en voit gratifié d’un « Tchou Tchou ». Le train file à fière allure, les conducteurs arrêtés aux différents passages à niveau sont sortis de leurs voitures et restent admiratifs au passage de notre convoi. 

Le train marque l’arrêt à Mantes-la-Jolie. Retour à la voiture bar, où la file d’attente pour les boissons, cafés et croissants ne désemplit pas. Une boisson semble remporter un franc succès auprès des voyageurs, il s’agit d’un jus de pomme normand et artisanal. Autre curiosité, ce cidre normand artisanal de la ferme de Ruelles qui a remporté la médaille d’argent au Grand concours agricole 2020. 

Il y a trois types de voyageurs remarquables : ceux qui rêvent, admiratifs devant un paysage défilant inlassablement, comme Anne-Cécile qui trouve que « c’est un sacrilège de faire une autre activité que d’observer le paysage »

Ceux qui inspectent minutieusement chaque recoin du train, des rideaux jusqu’aux consignes de sécurité d’époque. Des observateurs contemplatifs, comme Brigitte, qui affectionne les voyages en train car « c’est un lieu de rencontre où [elle] aime observer la vie des gens ». Elle nourrit son imaginaire de ces tranches de vie : « je voyage à l’intérieur, en observant mes compagnons de route, tout en voyageant à l’extérieur » philosophe la conseillère en recrutement. 

Puis il y a les jargonneurs, comme Philippe Brunard, retraité de la conduite de trains à Saint Lazare, qui explique à son fils les coulisses d’un trajet d’apparence simple mais qui recèle une telle organisation logistique en amont. 

« Attention à ta tête, alors là, tu vas voir un TIV, Tableau indicateur de vitesse de chantier. Tu vois le tableau blanc de reprise ? Quand le dernier véhicule franchit ce point, il est libéré de sa limitation de vitesse » commente, avec un brin de nostalgie, celui qui conduisait autrefois cette locomotive 17016. 

Quand le conducteur devient contrôleur 

Mateo Derosais est conducteur de train mais aujourd’hui, il voyage entre les voitures, habillé en chef de bord. Portant fièrement la casquette d’époque arborant le logo de la SNCF d’avant guerre, il regarde l’heure, c’est le moment de faire une annonce aux voyageurs : « mesdames, messieurs, votre attention s’il vous plaît, dans quelques instants votre train entrera en gare de Lisieux… Mesdames et messieurs, Lisieux, cinq minutes d’arrêt », raccroche-t-il avec émotion. 

Nous arrivons enfin à Deauville, quasiment avec le même temps qu’un train classique. Sur place, le chef de gare et Anne-Claire, une contrôleuse, sont sur le quai. Ils tiennent absolument à monter à bord de ce train pas comme les autres. 

Anne-Claire reste admirative de ces passionnés et ferrus de trains et leur annonce sitôt descendue de la locomotive : « je veux réserver pour le train de Noël ! ». Un trajet extraordinaire qui aura lieu le 2 décembre et qui aura pour destination Lille. 

Accourt un homme avec son appareil photo : « belle machine, c’est vous qui m’avez sonné à Bonneville-sur-Iton ? » s’amuse Jean-Denis, passionné depuis 1980 par tous les trains touristiques, qui connaît tous les horaires et passages de train par cœur. Alors que les passionnés restent sur le bord de route et que les touristes sont dans le train, Jean-Denis a parcouru 98 kilomètres, juste pour apercevoir de près cette emblématique locomotive. Une chose est sûre, c’est qu’il a roulé bon train. 

Daniel Latif
Photos : DL /DR