David Gauquié, l’enchanteur d’un quartier

Il faut flâner dans le quartier des Batignolles pour remarquer sur les murs ce « distributeur gratuit de souhaits pour la semaine »

Une œuvre originale qui s’illustre parmi tout l’insignifiant et vaniteux street art parisien par sa gracieuseté et son authenticité. Moins mystérieux — et moins calorique — qu’un biscuit chinois, plus pragmatique qu’une banale citation d’un sachet de thé Yogi tea et tout simplement plus amusant qu’un horoscope frivole. 

Derrière cette performance positive, se cache l’œuvre de David Gauquié, producteur de cinéma et de théâtre. Depuis un mois, il placarde incognito ses « distributeurs gratuits d’ondes positives parfois “bons de joie”, “bons d’amour en libre service”, c’est selon l’humeur » avoue celui qui aime signer d’une croix de Cocteau.

Une entreprise bienveillante qui consiste tout simplement à « partager un peu de mon soleil » confie le producteur sensible aux performances artistiques dépourvues de dessein commercial, marketing ou idéologique. 

Pastichant ces petites annonces accrochées dans les boulangeries ou supermarchés, le passant est invité à décrocher une languette sur laquelle un vœu authentique et concis est consigné à la main. « J’écris spontanément de vrais souhaits et toujours positifs » avec une petite touche d’humour, en attestent les mentions « 100 % garantis », « efficace dès lundi » ou encore « 1 par personne ».

À la façon d’un totem porte bonheur, David confère à ces tickets une vocation onirique. « Qu’on y croie ou pas, ça recharge positivement et met les gens dans une bonne disposition » analyse-t-il. Une telle sincérité dans sa création qu’il lui est arrivé de vouloir en découper un pour lui-même.

Il est à peine 11 heures et les étiquettes « savoir se faire confiance », « faire plaisir à un être aimé », « recevoir un sourire solaire » et « sourire à un inconnu » ont déjà été délicatement emportées.

Parmi les bons mots restants, le choix se restreint sur « prendre un risque et réussir »,« acheter un truc qu’on désire tellement », « rencontrer quelqu’un de génial », « avoir une énergie de feu », « vivre un moment de tendresse » ou « gagner au loto ».

Étiquette que j’ai aussitôt décrochée après mûre réflexion sur chacune des autres phrases. Un souhait des plus louables pour quelqu’un qui ne joue pas au loto, mais qui aura au moins le mérite de me faire commencer la journée avec le sourire.

Daniel Latif

Exposition « Regards Urbains » par Dan Latif au Square des Batignolles

Dan Latif

Daniel Latif, journaliste de formation, est un photographe originaire de Dijon. Ses influences multiculturelles lui ont forgé un goût pour l’aventure. Déambuler dans Paris pour capter des instants de vie du quotidien avec son appareil photo est quelque chose qu’il a fait depuis toujours.

Cela l’a amené à la rencontre des gens de son quartier, le 17ème  arrondissement, et à les prendre en photo avec son BlackBerry au départ. D’ailleurs, il le dit lui-même, « la photographie de portait a réveillé en moi une sensation particulière, une madeleine de Proust qui me pousse à être reporter-photographe depuis mon enfance ».

Jusqu’au jour où il s’équipe d’un appareil professionnel, le Nikon : « Ça y est, c’est fini le BlackBerry ? » lui disent alors ses sujets coutumiers du quartier quand il souhaite faire un nouveau portrait avec son appareil qui ne le quitte plus. « Tout a réellement commencé avec le Nikon qui a radicalement changé mon approche de la photographie » témoigne-t-il. Cela lui a permis d’explorer de nouveaux champs et de repenser autrement l’art du portrait.

Comme Robert Capa ou Vivien Maier, il aime rendre visible l’invisible du quotidien des inconnus qui vivent dans une ville mais en couleurs !

Sa patte :  une scénographie authentique qui saisit les modèles en un clic dans leur environnement naturel et ordinaire en jouant des contrastes chromatiques, des décors, des lumières qui s’offrent à lui « en situation ».

Sa règle : ne jamais trahir le réel en rendant compte de ce qu’il y a de meilleur chez les gens. Sa première série de portraits publiée sur Instagram rencontre tout de suite un vif succès. Sûrement parce que Daniel Latif aime les gens et que cela se ressent dans ses photos.

Ses portraits font ressortir quelque chose de réenchanté de l’ordinaire des personnes. Daniel Latif a un parti pris depuis le départ : quand il fait un portait, il refuse d’utiliser tout artifice. Il saisit l’inattendu, le champ aveugle d’un visage. A travers cette série, le photographe nous offre une biographie de la vie des habitants du 17ème .

Ces visages nous livrent les contrastes d’un quartier mais aussi l’existence habituelle de ses habitants. L’amour d’un artisan pour son métier, la joie d’une mère qui se rend au parc, le rituel du petit café d’un homme à la retraite, l’engagement associatif d’un habitant au sein de son quartier. Daniel Latif choisit ses sujets à « l’alchimie du moment », il flirte avec l’inattendu des gens anonymes. Il considère que chacun de nous porte en lui « quelque chose de beau », troublant, touchant qu’il peut dévoiler par son portait.

Son désir boulimique de voir, d’aller chercher cette vérité en chaque personne donne à ses portraits de femmes, d’enfants et d’hommes, une signature visuelle unique qui offre une palette sensible de visages authentiques. Il a un radar inné qui révèle chez les individus ce qu’ils ont de mieux en eux.

Pauline Escande Gauquié, sémiologue spécialiste de l’image,
Maitre de conférences à Sorbonne Université

Visite guidée de l’exposition et critique par Dr. Ry Pierce-Grove, PhD. Cand. en Communication à Columbia University

Exposition hors les murs, à voir au Square des Batignolles dans le 17ème arrondissement de Paris

Plus d’informations ici : Regards Urbains exposition Dan Latif