À la recherche de la Powerade perdue

Paris, Arena Sud, au cœur du Hall 1 du parc des expositions de la porte de Versailles, où a lieu, entre autres, le salon de l’agriculture, se déroule un match de volley-ball qui oppose la France aux États-Unis.

Pendant la rencontre, les joueuses, les entraîneurs, y compris les équipes techniques et autres assistants de match, tirent des frigos des bouteilles de Powerade couleur bleu flashy. 

Une ou deux gorgées et hop la pseudo gourde est aussitôt jetée ou posée nonchalamment aux côtés d’une dizaine d’autres. La boisson de Coca-Cola dont le Nutriscore est estampillé « D », évoque des souvenirs d’adolescence d’une limonade au citron fade et édulcorée. 

À qui est cette bouteille ? Celle-ci a été à peine entamée, celle-là est à moitié, cette autre complètement déformée… la collection de trophées en plastique commence à grandir, tout comme l’envie d’en boire une, malgré son goût qui laisse à désirer. 

Allez les bleues 

Les périodes de jeu s’enchaînent. Les françaises sont tout de rouge vêtues pourtant la foule crie : « Allez les bleues ! ». Ce qui n’arrange rien à ma soudaine soif. En effet, je scrute encore et toujours les cadavres de bouteilles jouxtant les pleines. La publicité dépasse le stade subliminal, la soif n’est plus psychologique, vite il me faut une Powerade. À ce stade du match, les équipes marketing ont réussi leur coup et se hissent déjà en demi-finale des jeux olymfrics

Fin du match, le temps de saluer les joueuses, j’aperçois une dame qui balaye toutes les bouteilles, sans distinction, y compris les pleines, du bras dans deux grosses poubelles. 

Peinant à sortir le sac de la poubelle, je lui viens en aide en maintenant le collecteur au sol. 

« merci Monsieur, lance-t-elle soulagée. 
– Je vous en prie. Je peux vous prendre une bouteille de Powerade s’il vous plaît ?
– Ah non, c’est pas possible…
– Même pas celle-ci, encore pleine ?
– Non, on jette tout à la poubelle…
– Et même celle-là ?
– Non, si je vous en donne une, je vais devoir en donner à tout le monde.
– C’est pas parce que je vous viens en aide pour tenir la poubelle que tout le monde va vous venir en aide. Vous me la donnez discrètement et ça passe incognito. »

Madame reste catégorique : « c’est non »

Un agent de sécurité et un bénévole, témoins de la scène me glissent à l’oreille de tenter ma chance auprès d’une autre personne. 

Apparaît à cet instant, un jeune homme tirant une valise glacière siglée Powerade : « Monsieur, s’il vous plaît ?
– Oui, bonjour ?
– Bonjour, puis-je vous demander une Powerade ? »

Il esquisse un petit sourire, hoche de la tête en guise d’approbation et se penche dans son petit frigo pour attraper une bouteille quand soudain, « Madame Non » apercevant la scène crie : « Nooon !!! Il ne faut pas lui en donner, non, non !!! ». Le jeune homme, éhonté et interdit, repose aussitôt la bouteille et affiche une moue désolée. 

Une potion magique réservée aux sportifs olympiques

Je me dis qu’il faut respecter les règles du jeu du marketing et aller en acheter une dans les stands mitoyens. Un tour, deux tours, rien… Coca, Fanta, Sprite mais pas de Powerade. Je sors et me dirige vers un Franprix, un autre, rien non plus. Direction Carrefour, en rade également. 

Ce n’est qu’aux Sables d’Olonne que j’aperçois au détour de rayons la fameuse boisson couleur bleue lessive. J’en saisis une et je lis sur l’étiquette qu’il est « recommandé de consommer cette boisson dans le cadre d’un effort musculaire intense ». 

Cette épitaphe, comme un énième message pour me convaincre que cette Powerade ne me serait d’aucune aide.

Daniel Latif
Photo : DL /DR

Bravo les Jeux Olymfrics !

Bravo quoi ?

2024, les Jeux ne sont pas encore faits et on crie déjà victoire ?

Mais de quelle victoire parle-t-on ?

ET 2017, ON EN PARLE, SINON ?

Les coupes budgétaires, baisses des dotations de l’État ?

Les postes supprimés, la précarité salariale, la fermeture des bureaux de postes ?

Le recrutement des enseignants, de médecins, d’infirmiers et personnels hospitalier ? Et les casernes de pompiers et acteurs de l’urgence et du secourisme qui n’ont pas les moyens de renouveler leur matériel ?

La performance, la fiabilité et sécurité des transports en commun ?

Le nombre d’heures cumulées dans les bouchons ?

Quand il n’y a plus d’argent pour certains, il en reste toujours pour les encarts publicitaires. Allez, souriez et dites « bravo », « à nous les Jeux » Olymfrics !

Daniel Latif