Brasserie Saint Jean : quand Montmartre prend le goût de l’Aveyron

À l’angle de la rue des Abbesses, le Saint Jean s’affiche comme une brasserie parisienne au charme intemporel. Sa façade, typiquement parisienne, attire l’œil des passants avec ses grandes baies vitrées, son enseigne dorée, sa marquise et sa toile rayée habillée de végétaux. En terrasse, les chaises Gatti en rotin tressé et les tables rondes complètent l’esthétique « Belle Époque », élégamment remise au goût du jour. Ici, le détail compte : du poivrier Peugeot jusqu’au pot de moutarde, rien n’est laissé au hasard.

Quatre mois de renaissance

Après quatre mois de travaux, le Saint Jean renaît. À l’intérieur, une curiosité interpelle le visiteur : un panneau de la ville de Bozouls, petit bijou aveyronnais célèbre pour son canyon en fer à cheval surnommé le « Colorado aveyronnais ». Un clin d’œil cher à Arnaud, patron passionné et amoureux de cette terre, déjà à la tête du Nazir, institution montmartroise. Son ambition : faire du Saint Jean un lieu unique  où se rencontrent les classiques de la brasserie parisienne et les saveurs généreuses de l’Aveyron.

Une carte entre tradition et terroir

En apéritif, la spécialité c’est le Spritz à « la Montmartroise ». Le célèbre cocktail revisité et élaboré à partir d’une liqueur gourmande faite à partir du marc des vignes de Montmartre, situées à quelques encablures du Saint-Jean.

À table, l’expérience se vit dans la convivialité. On partage des croquettes d’aligot, des radis croquants au beurre et fleur de sel, ou encore les escargots de Bourgogne signés Maison Valentin.

Viennent ensuite les plats incontournables, comme le Croque Saint Jean au pain de campagne, le tartare de viande d’Aubrac hachée minute, accompagné de frites maison.

Mais le plat signature qu’il ne faut absolument pas manquer, c’est la saucisse aveyronnaise à l’aligot. Ce jour-là elle est servie avec le geste spectaculaire d’Arnaud, tirant le fil dans une gamelle de cuivre.

Le final sucré signé Gilles Marchal

Pour finir, le Saint Jean fait appel à l’un des maîtres de la pâtisserie : Gilles Marchal, ancien chef pâtissier du Plaza Athénée et du Bristol. Son baba au rhum et ses profiteroles au chocolat clôturent le repas avec élégance et gourmandise.

Un lieu vivant, festif et généreux

Tous les trimestres, le champion du monde d’aligot, Guillaume Roche, vient y donner une démonstration, tirant le fil jusqu’au ciel et faisant de cette spécialité un véritable spectacle.

Au 23, rue des Abbesses, le Saint Jean se veut plus qu’une brasserie : un lieu de vie où s’entremêlent l’authenticité parisienne, la générosité aveyronnaise et une convivialité festive qui donne envie d’y revenir à toute heure. Et quand résonne au dehors l’accordéon des rues de Montmartre, l’ambiance prend des accents de carte postale, entre tradition et poésie.

Daniel Latif
Photo : DL /DR

Michou must go on !

Un calme saisissant règne sur la rue Caulaincourt. Les néons du café Au Rêve, brillent d’un bleu turquoise éclatant. En terrasse, Jean-Michel, un habitué, prend son café et observe les quelques badauds qui attendent déjà devant le cimetière Saint-Vincent . « Ce sont des places en or, vous êtes aux premières loges pour l’arrivée de Michou » lance une voisine. Intrigué, il commence à discuter avec les autres clients : « Brigitte Macron sera aussi présente » lui apprend un Montmartrois.

Alicia, professeur d’espagnol, est venue rendre hommage à ce personnage truculent que « tout le monde connaît ». Arrivent deux Poulbot, figures emblématiques, aux côtés de quelques membres de la République de Montmartre, reconnaissables par leur habits traditionnels composés de chapeau, cape, arborant l’écharpe rouge et une imposante médaille. Admirative devant un tel folklore, elle poursuit : « en Espagne aussi nous sommes traditionalistes, et c’est important, sinon on ne sait pas d’où on vient et on perd ses racines ». Regrettant de ne pas avoir eu le temps d’aller assister à son spectacle, « le cabaret, c’est comme notre flamenco. C’est une partie du patrimoine parisien qui s’en va, mais c’est une partie de nous qui meurt aussi » se désole-t-elle.

UNE PARTIE DU PATRIMOINE PARISIEN QUI S’EN VA

Un important dispositif de sécurité écarte la foule pour faire place à un corbillard, fraîchement repeint pour l’occasion aux couleurs de Michou. Alexandre, photographe qui passait par hasard, observe la scène : « il laisse plus qu’un souvenir, une trace dans ce quartier. C’est quelqu’un qui avait compris que l’être était autre chose que le paraître. C’était un Pedro Almodóvar avant l’heure ». 

Ce qui revient le plus souvent, au-delà de l’aspect culturel et artistique, c’est sa personnalité et sa générosité : « tous les gens qui venaient dans son cabaret, c’était des amis, il ne les prenaient pas pour des clients. Michou discutait, il était content de faire des photos avec eux » souligne Any d’Avray, créatrice de perruque. « Il maintenait les années populaires, faisait bouger tout le quartier et vivre encore le cabaret ».

« On reste optimiste, mais ça ne sera plus jamais la même chose… ». Arnaud, le patron du Nazir se rappelle avec émotion ses nombreuses visites dans son établissement : « c’est un monument historique qui a beaucoup fait pour tout le quartier et surtout les anciens ».
Ses proches, ses amis étaient tous réunis dans la bonne humeur et la convivialité. « On s’y attendait, et il nous disait : « j’espère que tu viendras à mon enterrement ». Ainsi, tout était préparé pour que son enterrement soit un moment d’amitié et de commémoration. Roger Dangueuger, ancien patron du cabaret « Chez ma cousine » et ami de Michou se remémore : « il disait que le cabaret ne lui survivra pas et pourtant, il y a toujours trois mois de réservations enregistrées, alors on espère que ça nous permettra de le garder encore un petit peu avec nous ».

Daniel Latif
Photos : DL /DR