Au détour des allées de Roland Garros, non loin des salons privés du Village Roland Garros, où les grands patrons négocient de futurs gros contrats, un responsable du sponsoring chez Peugeot observe curieusement les panneaux de publicité, sa mission est de “vérifier la bonne visibilité des bannières”. Difficile d’ignorer, même pour ceux qui ne seraient jamais rentrés sur un court, que Peugeot est sponsor du tournoi quand on voit la flotte de deux cents véhicules dédiés au transport des joueurs et du public qui fourmille depuis la Porte d’Auteuil.
La publicité à Roland Garros foisonne sous toutes ses formes : sur le court, la chaise de l’arbitre est marquée de haut en bas Perrier, le panneau qui affiche la vitesse du service des joueurs est fourni par IBM et le match est chronométré par Longines. Si l’on lève la tête vers le ciel, l’on aperçoit une caméra aérienne, sous la réplique miniature d’un Airbus A380 de la compagnie aérienne Emirates Airlines, qui fournit les images vues du ciel et perturbe accessoirement Ryan Harrison qui, même si “les deux joueurs doivent faire avec. C’est comme ça”, attribue sa défaite face à John Isner à cause de “cette caméra [qui] bouge beaucoup. C’est assez gros, ce n’est pas facile de voir que quelque chose qui s’apparente à un avion passe aussi près de vous”.
Au pied des juges de ligne, se trouve un crocodile, qui vient renforcer les nombreux crocos visibles sur leurs tenues. Ces alligators à la mâchoire grande ouverte, prêts à croquer les orteils des arbitres, sont très certainement à l’origine de beuglements entendus pendant le match. En effet, ces derniers sortent différents types de cris comme des “MwOUUUUooHH”, “WOAaHhh” au lieu d’annoncer simplement “faute !”.
Mis à part le coût d’un tel événement sportif, il faut garder à l’esprit que le tournoi génère beaucoup de bénéfices. Il suffit juste de prendre en compte le prix de certaines prestations et l’on atteint des montants faramineux : le « Pass Semaine » pour assister aux matchs sur le court Chatrier à partir de 861 €, des loges (à partir de 4 personnes) à 60 000 euros la quinzaine en catégorie « Or », comprenant diverses prestations telles qu’un voiturier, concierge, etc. puis des infrastructures au sein du Village avec un prix d’entrée d’un million d’euros avec de surcroît un contrat triennal à partir de 335 000 € Hors taxes… La bâche BNP Paribas occupant toute la largeur du fond du court corrobore bien le fait qu’il s’agit d’une affaire d’argent.
Pendant que Nadal replace minutieusement ses deux bouteilles Vittel. L’écran géant affiche une bouteille de Perrier sur le côté gauche et l’on entend un “Pschiiit… Ahhh !”. Ce jingle récurrent à chaque pause dans les matches interpelle mon voisin Bruno Monsaingeon, réalisateur et violoniste, qui se plaint de ce genre de manipulation subliminale qui donne soif : “On est loin des stratégies agressives comme lors des matches de Super Bowl mais on bêtifie le spectateur avec ce genre d’opérations”.
Lors de la conférence du Trophée des Légendes au Village Roland Garros, l’attachée de presse Pauline Lambertini insiste bien auprès des journalistes : “Il s’agit du Trophée des Légendes… Perrier ! Faut pas oublier Perrier”. Promis, on n’oubliera pas la boisson du sportif.
Les sponsors des tennismen sont-ils à l’image du jeu des joueurs à Roland Garros ?
Au-delà du tableau des scores, vérifions si le résultat à l’issue du match est vraiment à la hauteur du choc des sponsors :
Chez les Dames, en demi finale Maria Sharapova alias l’ambassadrice de Porsche avec sa 911 Carrera S a enfumé la carte American Express de Victoria Azarenka qui manifestement n’a pas bu suffisamment de Red Bull (6-1 / 2 – 6 / 6 – 4). Hélas les services à 184 km/h de la joueuse Russe restent très loin des 301 km/h que le bolide de Zuffenhausen peut atteindre. Mascha finit par s’incliner face au numéro 1 mondial des produits professionnels pour les ongles : OPI ou Serena Williams, pour les intimes (6 – 4 / 6 – 4). La 911 blanche s’est faite repeindre, à 200 km/h, au vernis couleur terre battue, portée par Serena pendant la quinzaine.
Du côté des Messieurs, Jo-Wilfried Tsonga n’a pas partagé son Kinder Bueno avec Roger Federer. La barre chocolatée de Ferrero a étonnamment réussi à dérégler la Rolex du joueur Suisse et à la lui piquer en lui volant la vedette, l’arborant ostensiblement à son bras pendant les interviews télé.
Le lendemain, Novak Djokovic exhibant son maillot Uniqlo, fait de matières techniques et innovatrices jamais utilisées sur des textiles, dont les couleurs sortent du lot, n’a pas pu s’imposer face à Nike. Le géant des chaussures sportives lui a fait la nique (6 – 4 / 3 – 6 / 6 – 1 / 6 – 7(3) / 9 – 7).
La Finale s’est jouée entre Espagnols avec David Ferrer à bord de sa Peugeot face à Rafael Nadal conduisant un Sportage du constructeur automobile Kia, un autre sponsor parmi tant d’autres (6 – 3 / 6 – 2 / 6 – 3). Visiblement, le Crossover sud-coréen s’est imposé aisément sur terre battue.
Le Majorquin vainqueur pour la huitième fois du tournoi de Roland-Garros dédiera sa victoire tout d’abord à ses sponsors, sa famille puis enfin à son coach, kiné et entraineur physique. Ces derniers lui répondront : « De Nadal » !
Daniel Latif
Illustration : Segolene Haehnsen
Il régnait comme une sorte d’ambiance mystique à Roland Garros ce mercredi 5 juin. Alors que le public retenait son souffle devant Maria Sharapova se faisant malmener par Jelena Jankovic (0 – 6), Rafael Nadal, réduisait à néant le Suisse Stanislas Wawrinka (6-2 / 6-3 / 6-1).
Le Trophée des Légendes Perrier, crée à l’initiative de Mansour Bahrami en 1997, remet en scène les Grands du jeu de raquette pour le bonheur des plus grands comme des plus petits.
Mansour Bahrami commence le show et amuse la galerie. Cela va du simple “baisser de filet” pour faciliter le service de son partenaire, en passant par “la tactique du Sioux”, s’approchant du filet, tout en prenant l’apparence d’une statue figée, sans que le serveur ne s’en aperçoive. Également “le coup droit feinté” ou “façon derviche tourneur” pour finir avec le redoutable “service mitraillette”, ce qui a le don de déstabiliser Guy Forget mais de déclencher l’hilarité dans les gradins.
Pour certains, c’est un moment historique pour d’autres l’impensable est arrivé. Tsonga a battu Federer en 3 sets (7-5 / 6-3 / 6-3).
Il aura fallu tout juste deux heures à Rafael Nadal pour abattre le Japonais Kei Nishikori 6-4, 6-1, 6-3.
Fin du match, les 16 000 spectateurs du Philippe Chatrier se lèvent spontanément et entonnent “Joyeux anniversaire !” pendant que l’on dresse sur le court une table. Pour la première fois, le Majorquin voit arriver une pièce montée ornée de deux raquettes et décorée de balles de tennis. Célébration improvisée mais bien orchestrée dont beaucoup étaient déjà au courant. En effet, la nièce de Claude Lelouch m’avait conseillé d’être présent “à la fin match pour l’arrivée d’un gâteau surprise”. Nadal remerciera le public d’un discours en français : “c’est un moment très spécial pour moi”. L’espagnol s’est vu ensuite couvert de cadeaux et de fleurs. A peine les bougies soufflées, il repartira aussitôt — régime de sportif oblige — tout comme le gâteau qui le suivra en direction des coulisses. Déçu et restant sur sa faim, un badaud s’exclame : “Oh, on n’a même pas eu un peu de gâteau ?”.
Federer se retrouve dans une situation surprenante, le public ne cesse de lancer des “Allez Gilles”, “Allez Gilou”, “Envoie tout Gilou !”. Malmené par Gilles Simon, le Suisse sent que le Français est le chouchou du public. Il essaye de rester concentré mais le public est particulièrement surexcité dans les tribunes ce dimanche. Seule solution, attendre et prendre son temps : il fait rebondir plusieurs fois la balle, tape ses baskets pour enlever la terre battue… L’arbitre en appelle au silence. Roger Federer sert, à ce moment un cri retentit dans les gradins “WOAHHH !!!”, et rate son service puis, furieux, lance un regard foudroyant en direction du spectateur à l’origine du cri.
C’est une éternelle question qui revient en filigrane : la pluie perturbera-t-elle le défilé des joueurs à Roland Garros ? Au bout du fil, un ami plaisante ainsi : “Tu couvres Roland Garros, alors je pense que tu peux dès à présent préparer la bâche !”. Mot d’esprit guère philosophique qui n’était pas dépourvu d’un bon feeling…


