Zoé, le justicier masqué de Renault

Il a été récemment observé sur les routes d’Europe un étrange cavalier qui surgit hors de la nuit. Aperçu en train de rôder dans des milieux assez variés, certains racontent avoir discerné de longs yeux obliques entourant un gros museau. Les plus savants parlent même d’un Renard. Il a encore frappé ! S’approchant à chaque fois dans le plus religieux des silences, il a, de nombreuses fois, surpris les piétons ainsi que leurs compagnons domestiques qui marchaient nonchalamment sur la route. Ces derniers racontent avoir ouï une angoissante mélodie digne d’une musique de film d’épouvante, avant de se retrouver nez à nez avec ce justicier masqué. Des possesseurs de véhicules arborant un cheval cabré ont honteusement avoué s’être “fait larguer au feu rouge” par ce Tornado de 65 kilowatts (88 ch.) qui abat le 0 à 50 km/h en seulement 4 secondes.

Mais qui se cache donc derrière ce mystérieux redresseur de torts qui se revendique comme un fervent défenseur de l’écologie en n’émettant zéro CO2 et aucune particules ou dioxydes d’azotes ?
Il s’agit d’une berline compacte au nom de code ZOE, prononcez Zoé car il s’agit d’un produit français. Ce héros Flinois est toujours équipé des derniers accessoires et équipements de pointe. Chaussé de pneus Michelin Energy E-V, permettant une réduction notoire de la résistance au roulement et une faible consommation. Pas besoin de passer les rapports, la conduite se fait sans à-coups et sans vibrations. Il dispose d’un GPS tactile, d’un radar de recul et d’un coffre généreux où la batterie n’empiète aucunement. Mais il reste toutefois modeste comme on peut l’observer avec ses sièges et son volant difficilement réglables.

Comme tous les super héros : il a un talon d’Achille. En effet, il ne dispose que d’une autonomie de 130 kilomètres. Ses passages sont furtifs car il court au galop pour recharger auprès de son inséparable acolyte Bernardo qui est toujours aussi muet et borné.
En dépit de l’incitation — fiscale de 7 000 € — de l’État français à vous glisser dans la peau d’un justicier de l’écologie, vous aurez cependant à subir quelques caprices de super héros et d’autres contraintes comme l’installation d’une “wall-box” (borne de rechargement) à 1 500 € et un engagement de location de batterie à 79 € mensuels. Pour faire un plein, qui vous coûtera environ 2 euros, il vous faudra vous armer de patience… : environ 9 heures, pour recharger pleinement les batteries — provenant de Corée.

Nonobstant ceci, ce Zorro des temps modernes bénéficie d’une grande cote de popularité. En effet, il a réussi à séduire les plus sceptiques — dont je faisais partie — et inquiéter les sergents Garcia du lobby pétrolier.
Alors si vous aussi, il vous prend l’envie de jouer, comme Arnaud Montebourg, et prêcher la bonne parole écologique, tel un troubadour, au fil de vos pérégrinations, il vous faudra compter le prix d’une Twingo. Vous découvrirez alors un univers totalement différent où l’éco-conduite et l’anticipation sont récompensées.
Étonnamment, la cocasse entreprise du ministre du redressement productif n’a fait aucune émule dans les autres ministères et encore moins au ministère de l’écologie dirigé par Delphine Batho… Mais là, c’est encore une autre histoire !

Daniel Latif

La clef joue sa dernière carte

Lors de mon périple, pendant le Mondial de l’Automobile, il faut reconnaître que longer de nombreux véhicules, les admirer, pouvoir éventuellement s’asseoir à bord mais ne pas pouvoir conduire les autos présentées est quelque peu frustrant ! A l’évidence, il est totalement vain d’espérer se voir remettre la clef d’un modèle sur un stand. La clef de voiture en aura vu de toutes les couleurs ! Même si elle se fait rare sur les nouveaux modèles. De toutes les formes, des plus charismatiques aux plus disgracieuses… Hélas, elle tend à se dématérialiser. Le bon vieux temps où l’on avait encore cette clef — que l’on insérait à gauche pour les “Porschistes” — et où l’on mettait le contact. Une clef rétractable qui se déployait, grâce à une simple pression sur un bouton en argent, à la façon d’un cran d’arrêt. Cette clef était au passionné ce qu’est la baguette du chef d’orchestre.

Les constructeurs, à travers leurs publicités notamment, essaient d’imposer de nouvelles visions erronées sur l’usage quotidien d’une auto. Vantant notamment les atouts de la clef “mains libres”. Ford, dans son dernier spot publicitaire de la Fiesta affirme que : “les clés disparaissent sans cesse, jouent toujours à cache-cache et gagnent tout le temps. Oui c’est vrai. Une fois la nuit tombée, les vilaines petites clés s’animent à la façon de Toy Story pour nous jouer des tours… Mais avec son système sans clé keyfree, tout ce qu’il faut savoir c’est qu’elles sont là… quelque part”. Au final, on s’aperçoit que la clé mains libres se trouve dans un petit sac posé, nonchalamment sur le siège passager, par une blonde en proie aux maux de notre temps : un manque de patience et une flémingite aiguë chronique. Encore faut-il espérer que ces têtes en l’air puissent retrouver leur sac qui doit se trouver là… quelque part ! Dans la maison ou dans la buanderie. Face à tant de billevesées, je propose à tous ces étourdis d’adopter un tour de cou, comme ça ils auront toujours leur clé quelque part…

Étonnamment, les conducteurs restent insensibles au dictat des équipementiers. Lorraine, étudiante en administration publique estime que “la clef est vraiment le symbole de la possession. Pour elle, la carte représente un côté technologique qui rappelle l’univers de James Bond mais elle trouve que le geste de tourner une clef dans le contact a plus de charme”. Sean reste très méfiant vis-à-vis du “complètement électronique car on devient encore plus dépendant en cas de panne, il se sent plus rassuré avec le côté mécanique qu’il considère comme plus fiable”. Camille est dessinatrice, n’a pas encore le permis mais avoue qu’elle a déjà conduit. Poétique, elle affirme que cela reste un élément des plus important car “tourner la clé est ce qui insuffle la vie à la voiture, symbolique du premier échange avec le véhicule. Un moment où l’on sent la puissance et l’énergie du moteur”.
Il y a bien évidemment de nombreux pourfendeurs de la carte électronique qui se glorifient de vivre avec leur temps, que cette évolution est signe de modernité et qu’ainsi, il y a moins de choses à faire. Jacques-Armand Dupuis, journaliste à Auto Hebdo relativise : “cela revient à la même chose car il faut avoir les clés sur soi”.

Les seules clefs qui subsistent encore sont USB. Distribuées par les hôtesses lors du Salon de l’Automobile, elles sont plus ou moins customisées aux couleurs de la marque et contiennent des informations, photos ou vidéos destinées aux médias. Ce précieux sésame reflète d’une façon ou d’une autre l’identité du constructeur, de son image et son prestige puis encore de sa générosité.

Vous ne saisissez pas encore l’enjeu crucial de la subite extinction de la clef ? Imaginez Fort-Boyard sans clef. Passe-partout serait rebaptisé “Passe Général” et le leitmotiv de l’émission deviendrait : “Prend la carte et sors, vite !”. Suite aux nombreux échecs face à ses énigmes, le père Fouras devrait se résigner à ne plus jeter la carte électronique à l’eau par crainte qu’elle ne disjoncte.

Daniel Latif
Photo : Jeanne-Peri Foucault