Demi Sky Priority

C’est une nouvelle mode dans certains aéroports tels que Nice, Marseille, Copenhague, Istanbul, Barcelone, Hanover, Milan, entre autres… que de vous frustrer lors d’un voyage à deux. En effet, si votre billet vous permet de passer en Sky Priority et que vous voyagez avec votre ami, compagne, collègue ; ce dernier sera systématiquement refoulé du « fast track ». Lumière rouge à Barcelone pour mon photographe qui m’accompagne sur un reportage : « Monsieur est avec moi…
– Non, il ne peut pas vous accompagner
– Si, il est avec moi, nous voyageons sur le même vol »

La dame tient absolument à jouer les chefaillons : « vous : oui ; lui, non »

Un policier passe à cet instant, voyant que la situation est toujours bloquée. Il inspecte mon billet et ne comprend pas non plus pourquoi madame ne veut pas me laisser passer avec mon accompagnant. N’osant pas contrarier sa collègue, il hausse les épaules et s’excuse de ne pouvoir rien faire dans cette situation. 

Ce cas n’a plus rien de trivial et se produit souvent dans de nombreux aéroports, où l’on pourrait penser que chaque passage est facturé et retenu sur les salaires de ces sheriffs d’aéroport. Pourtant, il ne s’agit qu’un peu de bon sens et d’un minimum d’intelligence. 

Du côté d’Air France, on nous confirme bien que « ce manquement n’est conforme aux engagements Sky Priority envers les clients et afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise » cette énième mésaventure « a été prise en compte dans l’amélioration de notre service »

Voilà, comment un voyage peut rapidement mal tourner parce que votre compagne ou ami vous lance, avec un regard des plus culpabilisateurs : « donc, tu vas me laisser seul pour prendre les contrôles normaux ? »

Décision crève-cœur, qui semble être des plus égoïstes, certes, mais mieux vaut un demi Sky Priority, que plus de Sky Priority

Allez, salut la Compagnie !

Daniel Latif

Salon Air France CDG 2F : Souriez, vous avez été surclassé !

Il a bien changé le salon Air France du terminal 2F à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. Fini le choix cornélien entre ces lounges de bas étage qui se trouvaient en bout de terminaux avec une répartition inégale, car tout le monde se dirige naturellement vers le plus près de sa porte d’embarquement. Désormais le nouveau lounge se situe au milieu, les flemmards seront servis.

Meilleure répartition, certes, sauf que tout le monde s’est agglutiné au rez-de-chaussée. Forcément, on se dirige vers l’étage en empruntant un vertigineux escalier dont les marches ont été disposées de telle sorte que si vous ne les enjambez pas deux par deux, l’on pensera que vous performez un menuet ou tout simplement que vous boitez. 

Le buffet du haut est quasi vide. Un passage en bas vous fait comprendre qu’il y a plus de choix ici. Il y a notamment ce chef qui vous sert des œufs brouillés, pas très appétissants. Alors vous vous rabattez sur ces pancakes arrosés de sirop d’érable. Vous remontez les manger à l’étage et comme ils étaient bons, vous redescendez vous resservir. 

Étonnant qu’il n’y en ait pas à l’étage, peut-être que ces crêpes québécoises avaient la flemme de prendre les escaliers ? Quoi qu’il en soit, eu égard, la quantité de calories que vous avez ingurgité, vous vous donnez bonne conscience avec le peu de marche sur vous venez d’effectuer. 

Le matin s’annonce calme et serein, avec ce magnifique lever du soleil qui s’offre sous devant yeux. Voilà de quoi se réjouir d’être venu aussi tôt. Quand soudain, vous percevez le bruit infernal d’un train en approche. Me serai-je trompé de destination, aurais-je confondu la gare du Nord et l’aéroport ? Que nenni, Monsieur et Madame sont en train de divertir bébé avec ces vidéos de tchoutchou, celles où des mordus de trains ont dû patienter quatre heures de bon matin pour voir défiler sur ce viaduc cette locomotive désormais classée au patrimoine ferroviaire. 

La grande nouveauté de salon 2F réside dans le fait qu’il y ait un espace de soin Clarins Traveller SPA, ouvert même le mercredi ! Dans cet espace zen, moins feutré que celui du terminal 2E, ce matin-là, c’est le sosie d’Ada Wong, célèbre espionne du jeu vidéo Resident Evil, qui vous prodiguera un soin à base de plusieurs crèmes. Un instant hors du temps, de 20 minutes, entièrement gratuit.

Hélas, l’étrange musique de fond — qui colle parfaitement à l’ambiance inquiétante du jeu de zombies — ne suffira pas à couvrir les sanglots de ce bébé rythmés par le tri des couverts, jetés nonchalamment de cœur avec ce tintamarre continu de vaisselle que l’on disposerait de la façon la plus indélicate provenant de l’étage inférieur du salon. 

A cette ambiance sonore chaotique, les quatre spots halogènes situés au-dessus de vous parachèveront cette sensation de subir un interrogatoire de police pendant un petit déjeuner à l’hôtel. 

Si vous parvenez à faire abstraction de tout ceci, vous profiterez très certainement de ce massage des mains, prolongé jusqu’au bout des doigts en passant par la paume suivi de ce délicat massage des épaules prolongé jusqu’en haut du cou. 

Et si vous êtes, comme moi, dépourvu de cette éblouissante capacité d’abnégation et de torpeur venue d’outre tombe, vous vous rassurez en vous rappelant que vous avez pu faire partie de cette vingtaine de privilégiés qui ont pu avoir un créneau dans cette prestigieuse institution du soin à la française.

Ayez l’air faussement détendu et zen au sortir du cabinet, pour encore mieux faire jalouser cette dame qui n’a pas eu la chance de trouver un créneau disponible avant l’embarquement.

La même attitude que vous adopteriez si vous appreniez qu’on vous a surclassé. Alors, vous souriez, mais pas trop quand même, hein ! Vous n’êtes qu’en Premium Economy. Eh ouais, faut pas abuser non plus…

Allez, salut la compagnie !

Le contrat de confiance

La demoiselle habillée tout de rose assise à côté de moi, tape frénétiquement sur son MacBook rose dont le thème Gmail est dans les mêmes tons… Sa conversation téléphonique, des plus indiscrètes, se rythme aux « clic, clic, clic » de ses ongles sur le clavier de son ordinateur. 

« Pouvez-vous jeter un œil à mes affaires svp ? » me missionna-t-elle dans son plus bel accent États-unien. À peine avais-je hoché de la tête, que Miss California avait déjà tourné les affreuses pantoufles moumoute-rose-flashy qui « coûtent une blinde » selon une consœur spécialiste dans la mode. 

Je ne bouge plus, tel un ninja observant les alentours, je retiens mon souffle et fixe son MacBook entrouvert comme une sentinelle. L’ordinateur n’est même pas en veille et ses deux iPhone trônent sur les accoudoirs du fauteuil à côté de son sac… Je me sentais encore plus responsable de ses affaires, alors je décidais de remplir mon job aussi sérieusement que son investissement dans ses faux ongles. 

Elle revint dix minutes plus tard avec une coupe de Cava et un bol de cacahuètes puis me gratifia d’un très succinct : « thank you », ce merci automatique que tu échappes nonchalamment à un concierge d’hôtel… À la différence que ce dernier aurait eu un petit tips ou une éventuelle deuxième coupe en guise de pourboire, à défaut d’une preuve inframince de convivialité.

Elle a vraiment pris la confiance, je crois. 

J’aurai pourtant pu être le plus grand bandit de la terre ? Et si j’avais voulu connaître les secrets industriels sur la sélection des prochains tissus qui vont augurer les saisons à venir des Fashion week ?

Et si j’avais voulu remplacer mon Mac — du même coloris — dont la batterie a gonflé et qu’Apple ne veut pas échanger, car ces derniers ont perdu leur dignité depuis la disparition de Steve Jobs ?

Je me résolus à aller chercher moi-même quelque rafraîchissement et fis un petit tour dans le salon de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol. Notre mistinguette lobotomisée par son écran ne daigna à peine me proposer de surveiller mon sac, elle se contenta d’un clin d’œil orné de son plus hypocrite sourire à l’américaine. Un tour, deux tours et un troisième parce que cette correspondance était quelque peu laborieuse mais surtout j’avais envie de ces fameux bonbons à la réglisse, qu’il n’y avait plus… 

Je revins à ma place. Mademoiselle Rose, en pleine conférence audio avec son casque sur la tête, n’avait que faire de mes affaires. Quand j’aperçus ce voisin en face de moi, qui me fit lui aussi un clin d’œil, pointant ostensiblement son MacBook Pro, me faisant comprendre qu’il prenait congé… Me revoilà, Macbooksitter malgré moi.

Ma ressemblance avec le célèbre Professeur dans la Casa de Papel, inspirerait-elle aussitôt une confiance aveugle de mon voisinage ? 

Car, si j’avais endossé le rôle au-delà de l’habit de moine, j’aurais déjà ouvert un Apple Store… Et si j’avais été un grand pirate j’aurais siphonné toutes ses données…
Mais comme je ne suis qu’un gentil petit passager, j’ai attendu qu’il revienne pour respecter ce contrat — tacite — de confiance. 

Un contrat que je commençais à théoriser, me rappelant une ancienne conversation avec un directeur d’exploitation d’un salon Air France. Celui-ci avait halluciné à l’idée que je laisse mon bagage le temps d’une course au duty free : « il y a peu de vols dans les salons, mais mieux vaut ne pas tenter le diable » m’avait-il prévenu, car « une fois le méfait commis, il est déjà trop tard ».

Celui qui voudra voler mon sac ne sera pas déçu du voyage, car ce que j’ai de précieux reste sur moi.

Quoi qu’il en soit, même si la confiance règne, la morale de l’histoire c’est de ne pas laisser ses affaires sans surveillance. Alors comme le dit Tonton David, je « passe le message à ton voisin ».

Allez, salut la compagnie !

Ma première fois… dans un Lounge

Il faut se réjouir si vous n’avez que deux terminaux à traverser pour rejoindre le Lounge KLM à Amsterdam Schiphol. L’aéroport étant tellement grand que si vous n’avez qu’une heure de correspondance, l’escale au Lounge peut rapidement se transformer en marathon. Ce jour-là, je suis large, j’ai plus de 4 heures de correspondance, c’est mon anniversaire et le vol que je m’apprête à effectuer va me permettre de passer au statut Gold.

J’arrive devant l’hôtesse KLM, une blonde reconnaissable avec sa tenue bleue emblématique. Je fais les yeux doux et lui explique ma situation, essayant de l’amadouer afin d’obtenir ses faveurs. Aussitôt, un grand sourire s’affiche sur son visage : « Ohhh, félicitations M. Latif et un très joyeux anniversaire alors ! » s’enthousiasme-t-elle. Puis, soudain, l’air grave, elle enchaîne : « malheureusement je ne peux vous faire rentrer dans le lounge et même si vous payez, vous devrez attendre deux heures, car nous sommes en heure de pointe… ».

Si près du but, quelle frustration…

Abasourdi par la rigueur néerlandaise et l’absence d’humanisme de l’hôtesse, je fais demi-tour et ressors. Je ne me dégonfle pas pour autant, et demande au premier passager qui se dirige vers le salon : « puis-je être votre invité ?
— Bien sûr !

Sans même expliquer quoi que ce soit, nous nous dirigeons vers le comptoir, devant la même hôtesse et le jeune homme lui lance : « c’est mon invité ! »

L’hôtesse sourit jaune, me fusille du regard, mais ne dit mot. J’étais un peu gêné toutefois je bouillonnais intérieurement de joie, pour ne pas me confronter à un éventuel deuxième refus.

Ça y est, je pénètre enfin dans mon premier Lounge. Un salon aux allures de Star Trek avec un look faussement futuriste de l’époque qui a très mal vieilli. Il y a de tout : des fauteuils, des canapés, des espaces de travail, des douches, qui ne donnent guère l’envie d’y mettre un doigt de pied, un fax ! — qui ne fonctionne plus, mais qui atteste bien que la décoration ainsi que le mobilier date du siècle dernier. Au fond, vous l’aurez rapidement senti, c’est le coin fumeur. Une bulle d’où s’échappe continuellement les émanations des passagers neurasthéniques à chaque va et vient.

Enfin, il y a cette cuve en inox, sous verre reliée à un tuyau menant à un robinet à pression. L’installation — factice — est toutefois, impressionnante. Normal, c’est Heineken qui régale. Une marque que je suis loin d’affectionner mais comme c’est local, je me laisse tenter. Il y a même un manuel qui vous explique comment servir la bière parfaitement, du rinçage de verre jusqu’au service.

Une blonde quelque peu décevante pour couronner ma première fois, mais surtout une bière reflétant harmonieusement bien l’ambiance régnant dans ce salon à Amsterdam, et qui de surcroît est à l’image de mon nouveau statut Gold : somme toute assez banale. Pour une première expérience, c’est raté.

Allez Proost ! comme diraient les aficionados d’Heineken, et salut la compagnie !

Daniel Latif

Le mystère du Lounge Sheltair

Surtout, ne vous trompez pas de file, vous risqueriez de vous retrouver au contrôle aux frontières. Prenez bien le couloir à l’extrême droite. Dans le doute, serrez bien, longez le mur et grimpez vite les escaliers. Les policiers vous observent… 

Un panneau trône en guise d’accueil où l’on y lit : « Air Serbia, Austrian, Czech Airlines, Air Baltic, Air Malta, Belarusian Airlines, Finnair, Azerbaijan airlines, Georgian airways… »

Tout laisse à croire qu’on s’apprête à prendre « L’Orient Airways ».

Le décor compartimenté, la lumière d’époque et le calme mystérieux qui y règne vous feront croire à une reconstitution d’un Cluedo. Un chandelier, des bougies, qui n’ont jamais été allumées. Sécurité incendie oblige, on ose penser qu’il n’a jamais servi. Au-dessus d’un meuble, trône une tête de bouddha. Loin de méditer, il fait clairement la gueule !

L’on déambule et l’on parcourt ces pièces à travers un labyrinthe composé de plusieurs recoins où tout le monde est censé trouver son cocoon. A force de s’y balader, l’on arrive par hasard sur des espaces secrets, avec ce sosie de Poutine qui est en train de passer un coup de téléphone, la main gauche masquant sa bouche. Ça sent la conversation diplomatique !

Un lieu tellement décomposé et inquiétant que les passagers n’osent s’y poser seuls et finissent tous par s’agglutiner au même endroit, près du buffet, alors qu’ils disposent considérablement de place. 

Le plus effrayant, reste cette extension de salon, inaccessible mais visible à travers ces hublots où l’on a la réplique inversée du salon en vide, avec parmi les débris, ces restes de meubles, des câbles arrachés et détritus laissés à l’abandon faisant penser que le tournage du prochain Resident Evil s’est bien passé au cœur du terminal 2D.

Une intrigante omniprésence de caméras, des pots et des vases disposés absurdement. Enfin, il y a ce magnum de Champagne Jacquart vide — même le responsable du salon s’interroge encore sur la présence de ce producteur car ils ne servent point du vin de cette Maison — des décorations que nos bobos appelleraient volontiers « random » avec notamment ces banquettes en moquette incrustées dans des armoires qui invitent à faire un cache-cache, placées ça et là, à la façon d’une pièce « escape game », où il faut s’évader. Les amateurs de séries criminelles seront ravis !

S’ils avaient été encore en vie, les inspecteurs Derrick, Colombo ainsi que le Commissaire Navarro se seraient saisis de l’affaire et auraient uni leurs services de police afin de convoquer les ingénieurs entrepreneurs de ce salon en vue de faire la lumière sur cette architecture des plus douteuses.

Allez, salut la compagnie !