Pendant mes RTT où j’étais en PLS à DL des PDF à cause de mes RDV, je dois RSVP au SMS ASAP pour aller aux JO. Je sors la CB pour prendre un billet SNCF D’abord TER puis TGV puis RATP.
Assis en POV devant une MILF qui vit aux US à LA, ancienne DAF pour les GAFAM, elle se prend pour SAS. Elle m’assure que les IA vont MAGA. Après avoir demandé mon ASV OKLM, elle s’écrie SOS lorsque je lui réponds que je n’ai pas SC mais juste IG ou FB, STV.
Elle insiste :
– CDI ? – RAS – LOA, LLD ? – RAF – PEL, ISF ? – JPP, vous êtes du FBI ? – NTM, je suis pas ta BFF, MDR. – OK, LOL.
Elle m’a mis KO, j’ai cru que j’étais en GAV SMLP.
Paris, Arena Sud, au cœur du Hall 1 du parc des expositions de la porte de Versailles, où a lieu, entre autres, le salon de l’agriculture, se déroule un match de volley-ball qui oppose la France aux États-Unis.
Pendant la rencontre, les joueuses, les entraîneurs, y compris les équipes techniques et autres assistants de match, tirent des frigos des bouteilles de Powerade couleur bleu flashy.
Une ou deux gorgées et hop la pseudo gourde est aussitôt jetée ou posée nonchalamment aux côtés d’une dizaine d’autres. La boisson de Coca-Cola dont le Nutriscore est estampillé « D », évoque des souvenirs d’adolescence d’une limonade au citron fade et édulcorée.
À qui est cette bouteille ? Celle-ci a été à peine entamée, celle-là est à moitié, cette autre complètement déformée… la collection de trophées en plastique commence à grandir, tout comme l’envie d’en boire une, malgré son goût qui laisse à désirer.
Allez les bleues
Les périodes de jeu s’enchaînent. Les françaises sont tout de rouge vêtues pourtant la foule crie : « Allez les bleues ! ». Ce qui n’arrange rien à ma soudaine soif. En effet, je scrute encore et toujours les cadavres de bouteilles jouxtant les pleines. La publicité dépasse le stade subliminal, la soif n’est plus psychologique, vite il me faut une Powerade. À ce stade du match, les équipes marketing ont réussi leur coup et se hissent déjà en demi-finale des jeux olymfrics.
Fin du match, le temps de saluer les joueuses, j’aperçois une dame qui balaye toutes les bouteilles, sans distinction, y compris les pleines, du bras dans deux grosses poubelles.
Peinant à sortir le sac de la poubelle, je lui viens en aide en maintenant le collecteur au sol.
« merci Monsieur, lance-t-elle soulagée. – Je vous en prie. Je peux vous prendre une bouteille de Powerade s’il vous plaît ? – Ah non, c’est pas possible… – Même pas celle-ci, encore pleine ? – Non, on jette tout à la poubelle… – Et même celle-là ? – Non, si je vous en donne une, je vais devoir en donner à tout le monde. – C’est pas parce que je vous viens en aide pour tenir la poubelle que tout le monde va vous venir en aide. Vous me la donnez discrètement et ça passe incognito. »
Madame reste catégorique : « c’est non ».
Un agent de sécurité et un bénévole, témoins de la scène me glissent à l’oreille de tenter ma chance auprès d’une autre personne.
Apparaît à cet instant, un jeune homme tirant une valise glacière siglée Powerade : « Monsieur, s’il vous plaît ? – Oui, bonjour ? – Bonjour, puis-je vous demander une Powerade ? »
Il esquisse un petit sourire, hoche de la tête en guise d’approbation et se penche dans son petit frigo pour attraper une bouteille quand soudain, « Madame Non » apercevant la scène crie : «Nooon !!! Il ne faut pas lui en donner, non, non !!! ». Le jeune homme, éhonté et interdit, repose aussitôt la bouteille et affiche une moue désolée.
Une potion magique réservée aux sportifs olympiques
Je me dis qu’il faut respecter les règles du jeu du marketing et aller en acheter une dans les stands mitoyens. Un tour, deux tours, rien… Coca, Fanta, Sprite mais pas de Powerade. Je sors et me dirige vers un Franprix, un autre, rien non plus. Direction Carrefour, en rade également.
Ce n’est qu’aux Sables d’Olonne que j’aperçois au détour de rayons la fameuse boisson couleur bleue lessive. J’en saisis une et je lis sur l’étiquette qu’il est « recommandé de consommer cette boisson dans le cadre d’un effort musculaire intense ».
Cette épitaphe, comme un énième message pour me convaincre que cette Powerade ne me serait d’aucune aide.
« Femme d’État », « le camp des travailleurs », « nous tous », pensons que « nos vies valent plus que leurs profits » alors « ensemble changeons d’avenir » car « un autre monde est possible ».
Ayons « le courage de faire »« choisir la liberté » et « faire face »« pour que la France reste la France » : « la France authentique », « la France des Jours heureux »
PUBLICITÉS — POLITIQUES — ET MESSAGES INDUITS NON CONTRACTUELS.
« Ça y est, c’est fini le BlackBerry ? » me disent mes sujets habitués du quartier quand je souhaite faire un nouveau portrait avec mon Nikon Z6.
Il faut avouer que le cheminement vers cet appareil photo de nouvelle génération n’a pas été simple. Passer d’un smartphone qui tient dans la poche à un boîtier avec un imposant objectif nécessite une préparation particulière.
Cela faisait quelque temps que j’observais chez mes confrères photographes un engouement pour les appareils photo hybrides. Mon premier réflexe a été aussitôt d’affirmer mon scepticisme emprunt d’un soupçon de snobisme vis-à-vis de cette nouvelle génération d’appareil photo sans miroir. Ce n’est qu’après en avoir discuté avec mon ami photographe Cunione, que j’ai décidé de me laisser tenter par le Nikon Z6.
Tout a réellement commencé avec le Nikon d780 qui a radicalement changé mon approche de la photographie. Celui-ci m’a permis d’explorer de nouveaux champs et de repenser autrement l’art de la photo.
« Ça y est, on se professionnalise » m’a lancé Laurent Dufour, photographe aguerri qui œuvre au sein du collectif Regards parisiens. En effet, j’ai été étonné, même sidéré lorsque j’ai pris en main le Nikon Z6 et que j’ai pointé son impressionnant objectif NIKKOR Z 50 mm f/ 1.2 S.
Bluffant même en faible luminosité
Ce qui change concrètement, c’est le confort d’utilisation. Petite taille et poids quasi similaire à un reflex, c’est un véritable atout de stabilité. Sa capacité d’ouverture permet notamment de capturer un sujet y compris dans des conditions de très faible luminosité, le résultat est tout simplement bluffant !
Au-delà des simples clichés, le Nikon Z6 s’illustre notoirement lorsqu’il s’agit de faire de la vidéo ultra haute définition en 4K. De plus, n’étant plus bridé par la mécanique, l’on peut monter à 1/8000 ce qui permet d’avoir des rafales plus importantes. Mais aussi, le Z6 est beaucoup plus réactif qu’un reflex au niveau de l’autofocus, il réagit avec une vitesse et une précision impressionnante et surtout il détecte les visages. Enfin, grâce à l’adaptateur FTZ le passage à l’hybride ne nécessite pas de changer toutes ses optiques.
L’utilisation de cet appareil a réveillé en moi une sensation particulière, une madeleine de Proust qui me pousse à être reporter-photographe depuis mon enfance. Encore plus bouleversante que celle où j’avais repris un appareil argentique !
« Le portrait façon New York Times »
L’expérience est différente pour moi et aussi pour mes sujets qui sont davantage intimidés de se faire photographier avec un vrai appareil photo qu’avec un téléphone portable. Ma relation avec mes sujets a-t-elle changé ? M’offrent-ils la même pose, sont-ils aussi naturels et authentiques que face à mon petit BlackBerry ? Ai-je encore besoin qu’ils me regardent ? Je sens que mon champ de vision s’élargit et je suis excité par les possibilités qui s’offrent à moi.
« Le portrait façon New York Times, c’est acquis !Grâce à cet appareil, tu commences à prendre d’autres photos très intéressantes impossible à faire avec ton BlackBerry. Tu captes de nouvelles images où la scène prend une autre dimension, où le sujet peut être capté sans regarder l’objectif dans un environnement plus riche. Tu peux regarder autrement et aussi te sentir plus libre sans attendre que des regards croisent ton objectif » analyse Véronique Naly, collectionneuse de photos.
C’est en discutant avec mon ami photographe Cunione qu’il me lança le défi de faire mes portraits avec un appareil photo numérique plus qualitatif et surtout de meilleure résolution que mon BlackBerry. Effectivement, il y a une autre approche dans l’exécution d’une photographie avec un reflex plutôt qu’un smartphone. C’est moins discret et la vision d’un objectif braqué sur soi entraîne plus facilement des réticences. L’exercice est plus difficile et bouscule mes habitudes mais j’accepte le challenge.
Alors je me suis naturellement orienté vers un appareil Nikon car leur univers m’a toujours été familier ; il m’est également arrivé d’utiliser régulièrement dans mes reportages un Nikon D70 puis un D700. Leur usage était par pur intérêt pragmatique. En effet, la photographie n’avait pas encore éveillé en moi d’élan poétique.
Histoire de me roder avec le tout nouveau D780 de Nikon, je retrouve des photographes chevronnés et passionnés que j’avais déjà suivis auparavant. L’occasion parfaite pour explorer Paris avec un nouveau regard, capturer la vie parisienne sous un autre angle avec ce tout nouveau boîtier Nikon.
Le Nikon D780 est capable de prendre jusqu’à 12 images par seconde en rafale et également de faire de la vidéo en 4K. Des performances qui nécessitent une carte mémoire puissante mais robuste. Ayant eu quelques mauvaises surprises auparavant, j’ai opté pour une carte SD de nouvelle génération, la Lexar SD 1066x SDXC, qui en plus d’être capable de capturer rapidement, permet d’afficher et parcourir des photos de très haute qualité sans ralentir ou peiner. Autre argument notoire : sa capacité de stockage 128 Go, allant même jusqu’à 512 Go. À l’image du boîtier qui est tropicalisé, la Lexar SD1066x résiste à l’eau, aux chocs, vibrations et rayons X. Un élément primordial pour conserver l’essence même du travail d’un photographe et travailler en toute sérénité.
Pérégrinations au cœur de Paris
Les samedis se suivent et ne se ressemblent pas. Pourtant, cela fait dix ans que les photographes du collectif Regards Parisiensse réunissent hebdomadairement et poursuivent la même routine : déambuler à travers la capitale pour capter ces regards et instants de vie du quotidien.
Même après la crise sanitaire de 2020, nos artistes parcourent toujours la ville lumière armés de leurs boîtiers photo mais avancent désormais masqués comme des bandits, à l’instar des passants qu’ils essaient tant bien que mal de capturer à travers des clichés.
« Museler la personnalité ou souligner le regard ? ». Au-delà de se limiter à une dualité grossière, cette problématique — relative au port du masque et son impact dans la perception de la photographie — constituerait à elle-même un remarquable sujet de thèse.
Le masque est, certes, un élément devenu trivial de notre quotidien. Toutefois, il ajoute une toute nouvelle contrainte dans l’exécution de l’œuvre photographique. Comme s’en lamente Daniel Girard, photographe amateur depuis 1970, qui regrette le temps où les passants n’avaient pas cette allure fantomatique.
« Cela déshumanise un peu les photos, reconnaît Emma Radenac, photographe au sein du collectif Regards Parisiens, qui affectionne les portraits de rue très serrés. On a du mal à photographier autre chose que des masques et des portables mais il faut saisir le masque car c’est un marqueur temporel qui a toute sa place dans nos photos. C’est le témoin d’une époque que nous traversons » philosophe-t-elle.
Le masque a cet atout paradoxal de souligner certaines expressions, notamment du regard. Parfois, ces yeux envoûtants peuvent disparaître aussitôt une fois le masque enlevé. « Même sibeaucoup d’émotions passent par les yeux, il manque le sourire. Elle se remémore, « avant, on avait le droit à des photos d’amoureux, de longs baisers langoureux ! Là, ça devient très rare » soupire Emma Radenac. Pourtant c’est si beau l’amour.
Pour Laurent Dufour, adepte de photo argentique avec son authentique Hasselblad 500 CM « cela ne change absolument pas leur regard ». Spécialiste de la photo de rue notamment à Paris, il dresse un portrait cinglant du parisien qui « n’est pas connu pour être sympathique en général. Peu souriant, souvent ronchon, râlant pour un oui ou pour un non ». Pourtant, ce jour de janvier, les flocons de neige qui ont recouvert Paris d’un joli manteau blanc, ont adouci le mauvais caractère du parisien qui se prêtait volontiers au jeu en tombant spontanément le masque, le temps du cliché.
Immersion dans les nouveaux quartiers de Paris
Le soir, couvre-feu oblige, la capitale se plonge dans un silence des plus angoissants rappelant des airs du premier confinement. C’est le moment idyllique pour arpenter les rues de Paris afin de capter les architectures et des perspectives et ainsi tester le Nikon D780 en basses lumières — exercice auquel je ne pouvais me prêter avec un téléphone.
Engouffrons-nous dans cette nouvelle rue dans le 17ème arrondissement au nom imprononçable et dont la prolongation mène au nouveau Tribunal de Paris. Un tout nouveau pan de quartier disgracieux, entièrement bétonné, une architecture au goût douteux, un horizon de tours d’immeubles aux façades végétalisées — ornées de plantes déjà fanées dont la plupart des feuilles sont tombées ou moisies.
Le lendemain, en repassant par ce quartier aux prémices de La Défense, j’aperçois un taxi New-Yorkais. Ce fameux yellow cab utilisé pour le tournage d’un film attire immédiatement mon œil. Une équipe empêche les accès aux voitures et piétons y compris à ce livreur à scooter qui insiste pour passer : « attendez, on est en train de tourner un film qui se passe à New-York, vous ne pouvez pas être dans le plan ».
Foison de constructions qui ont déjà mal vieilli, rappelant les modélisations 3D, où règne l’ambiance glauque d’un Resident Evil 3, orné de fausses façades en trompe l’œil comme dans Driver. Visiblement, au-delà de nous replonger dans ces jeux-vidéo sur la PlayStation d’antan, ce décor fantomatique a le mérite d’inspirer des réalisateurs et leur épargner un tournage outre-Atlantique.
La balade s’achève, j’envoie les premiers portraits à Cunione. Il jette un coup d’œil sur son portable rapidement et lance : « Elles sont très bien tes photos ! C’est lassant de voir tous ces masques. Déjà qu’on les voit dans la vie de tous les jours… » argumente-t-il. Outre le fait d’occulter toute une partie du visage et de lui rappeler a fortiori la crise sanitaire, cela ne l’empêche pas de percevoir le fameux « sourire parisien », son expression favorite pour parler du « parisien qui tire la tronche ». Après une inspection minutieuse et quelques observations, le verdict tombe dans la soirée : « oublie ton BlackBerry ! ».
Au-delà du surréaliste, le calme qui règne à Paris est des plus insolites : « mieux qu’un mois d’août à Paris » commente Véronique penchée sur son balcon filant au cinquième étage. Un bus vide passe à toute allure, suivi d’un autre des plus fantomatiques, complètement éteint et qui affiche « Sans voyageur ». Les panneaux RATP indiquent que le trafic est perturbé.
Les rues de la capitale sont vides, tout juste clairsemées de quelques passants. Certains marchent au milieu des avenues, téléphone portable à la main pour immortaliser une belle carte postale d’un Paris qui respire à nouveau, par décret.
Hasard du calendrier des travaux ou simple coïncidence, on s’émerveille devant la façade du Palais Bourbon aux « colonnes pimpantes remarque Julien, un photographe parisien. C’est surprenant et d’autant plus rare d’avoir un contexte aussi photogénique» s’enthousiasme-t-il tout en dégainant son appareil photo.
La place de la Concorde est vide, et pourtant le cliché ne
bluffe guère de monde, comme le raconte cet officier de police qui se remémore
des airs de dimanche matin. Si Eric et Ramzy voulaient tourner un deuxième opus du film Seuls two, le décor leur serait servi
sur un plateau.
Les taxis attendent à la station sur le presque vierge boulevard Saint Germain. Fofana, sort de sa majestueuse berline noire, masque chirurgical autour du cou. On croirait qu’il vient de sortir du bloc opératoire et pourtant cet artisan taxi depuis 28 ans ne fait que profiter du boulevard Saint Germain vide pour se dégourdir les jambes.
« Ça fait réfléchir… » observe-t-il, en
constatant les portes closes du Café de Flore avec des chaises et tables en
barricades. À la question, craint-il la proximité avec des clients
potentiellement contaminés par le Covid-19 dans son taxi, le chauffeur remet
aussitôt son masque sur son nez : « il
faut être fataliste, sinon on ne travaille plus » philosophe-t-il.
LE CALENDRIER DE LA PEUR
Un jeune couple marche rapidement sur la rue du Four. « Mais si, ça doit être ouvert » lance-t-elle pour rassurer son bel ami. Approchant de l’angle avec la rue Bonaparte, ils arrivent devant une pharmacie fermée, sans affiche, ni indication d’alternative, alors que l’enseigne aux nombreuses croix vertes lumineuses clignote pourtant. Sur les avenues, seules les croix vertes des pharmacies et les enseignes des tabacs sont illuminées.
Quelques joggers passent, certains arborent un masque. Un couple court à un mètre de distance, mesure de sécurité oblige ou alors c’est juste le deuxième qui n’arrive pas à suivre la cadence du premier ?
Juliette, étudiante à Sciences Po Aix, promène sereinement son chien sur le boulevard. Loin de céder à la panique autour de l’épidémie, elle estime « la vision des masques anxiogène. Cesgens te donnent l’impression que tu as la peste quand tu passes à côté d’eux »
Elle raconte avoir préféré rentrer à Paris pour être au plus
près de sa famille. « Les rassemblements
ont été limités, ensuite les parcs ont été fermés, puis le discours d’Édouard
Philippe a tout précipité. La montée de la peur et la psychose se sont fixées sur
la parole de nos dirigeants et elles se sont multipliées sous l’effet des
réseaux sociaux créant ainsi un calendrier de la peur » analyse-t-elle.
Alors que le Quai d’Orsay annonce une suspension des liaisons aériennes en Europe jusqu’au 17 avril, le ministre de l’Intérieur implore un confinement jusqu’au 31 mars, au moins… Étonnamment, l’Apple Store du marché Saint-Germain annonce une fermeture « jusqu’au 27 mars ». Des hôtels affichent une fermeture « pour une durée indéterminée », tandis que les kiosques sont fermés « jusqu’à nouvel ordre ».
Le temps s’est arrêté à 12H ce mardi mais le peuple est déjà
impatient de retrouver sa liberté.
Il scrute le calendrier des jours prochains, avec une multitude de dates
incohérentes et des échéances incertaines, a
fortiori extensibles. Seul le compteur qui chiffre les morts et les
contaminés continue à bouger.
La population attend la prochaine allocution de Godot ou celle du gouvernement prodigue annonçant la fin d’une « guerre sanitaire » ou plus vraisemblablement un prolongement du confinement dont la date de fin reste inconnue. Adieu les plannings, out les agendas. La France latine vit au jour le jour en rêvant du mois d’août. La seule échéance que les Français attendent, c’est celle de leur libération…
La liberté de se mouvoir. La liberté de contester. La liberté de commenter l’actualité au zinc du bar de son quartier. La liberté de donner son avis en live devant un public en chair et en os qui réagit de vive voix. La main d’un pote sur son épaule. Le parfum d’une femme qui n’est pas la sienne, le spectacle de la rue, les bruits. Le miroir de l’autre. L’interactivité avec ses 5 sens. Voilà ce qui manque subitement et qui est irremplaçable.
Les smileys sont subitement devenus insuffisants. Il n’aura pas fallu une journée pour se rendre compte que les réseaux sociaux ne créent pas tant de lien que ça et qu’on s’ennuie déjà peu importe les nombreux messages qu’on envoie ou qu’on reçoit.
Le jour de leur libération, les français entreront dans un café voisin, ils serreront des mains qui ne sentent pas le gel hydroalcoolique ou le savon de Marseille, ils plongeront leurs doigts dans le bol de cacahuètes aux milliards de bactéries, ils commanderont un café, une bière ou un verre de vin blanc, ils s’embrasseront, et tout ne sera plus qu’un mauvais souvenir. En attendant, ils appliquent les décrets de leur démocratie chérie et rêvent de jours meilleurs.
Mieux qu’un mois d’août à Paris, en témoignent ces trois canards, sans doute échappés du jardin des Batignolles qui déambulent à 23 heures sur la chaussée place de l’église. Il aura fallu moins de douze heures pour que la nature commence à reprendre ses droits…
Daniel Latif Photos : DL /DR Illustration : Anne-Catherine Belliot
C’est dans ce petit Paris que sont les Batignolles que trois amis se sont accoudés à la fenêtre de leur appartement comme le feraient ces compères dans nos villages.
« Bonne année Monsieur ! lancent-ils en cœur à ce passant qui s’arrête à leur niveau. On aime beaucoup votre chapeau mais par contre il faut arrêter la cigarette. — Merci de prendre soin de moi. Bonne année, vous aussi lance-t-il amusé.
Cela fait deux heures que David, Ludwig et Maxence coiffés de chapeaux canotier présentent leurs vœux à tous ce qui s’approchent. « Si on faisait ça sur un banc, les gens prendraient peur » analyse Maxence. Après avoir passé deux ans en Australie, il se rappelle avoir croisé nombre d’inconnus qui lui ont à chaque fois adressé de chaleureuses salutations alors qu’à Paris tout le monde a peur de tout le monde. « Le bonjour ne devrait pas se cantonner aux voisins de palier » surenchérit David.
« Mes meilleurs vœux Mademoiselle. — Ah, merci c’est gentil, bonne année également… Déjà à l’apéro ? Vous carburez à quoi ? — On est sous BH, t’en veux ? — Non, non, c’est quoi la BH ? — La bonne humeur ! » éclatent-ils de rire.
Ils adaptent les vœux en fonction du client. Avec cette mamie qui promène son chien : « Bonne année Madame, que votre chien puisse voir 2021 ». Deux policiers municipaux arrivent : « Bonne année Messieurs, plein de santé et des PV ! ». Les agents rétorquent, hochant la tête et élevant leur main droite. Plus tard, ils remarquent de loin cet étudiant de l’école hôtelière Vatel marchant de bonne allure en costume : « Lui, ça fait deux fois qu’il passe, il fait des tours de quartiers » observe Maxence qui lance : « Bonne année jeune homme ! Bonne santé et quoi d’autre ? — Du cul, du cul, du cul ! » rétorque hilare l’étudiant.
C’est le moment crépusculaire, le passage se fait rare mais les jeunes parisiens sont toujours autant motivés… « Oui, oui, merci mais vous me l’avez déjà souhaitée, s’étonne cet autre riverain. — Mieux vaut deux fois qu’une !
« Il manquait un endroit où se retrouver et ici on est dans notre salon, mais avec tout le monde » commente Ludwig.
Certains ont leur casque et ne répondent pas, d’autres sont méfiants à l’idée d’être interpellés par un « bonjour ! » aussi impromptu, puis les bons mots fusent. Et ça marche, une fois le « bonne année » souhaité, les piétons quittent leur torpeur et retrouvent aussitôt le sourire. Les enfants répondent spontanément, certains restent coi devant ce trio délirant.
Farceurs dans leur commérage mais toutefois bienveillants dans leur réflexions : « Ah ! C’est bien, il a mis son casque et le gilet jaune » ou encore envers cet utilisateur Vélib’ : « Vous n’avez pas bien verrouillé votre vélo ». Et voici, comment ce trio de jeunes a égayé de façon simple mais non moins surréaliste cette après-midi de janvier 2020 aux Batignolles. La pluie s’invite, la nuit tombe… Avant de repartir, ces trois batignollais m’ont chargé de vous souhaiter « la bonne année et surtout la santé » ! Le message est transmis.
« Un monstre t’attend », me répond Étienne lorsque je lui annonce mon approche de la gare de Lyon. Pris dans une torpeur, je me souvenais de cette Porsche GT3 RS et j’essayais d’imaginer à quoi pouvait ressembler le deus ex machina qui pouvait m’attendre. Perdu dans mes pensées, je tombais nez-à-nez avec une créature aux allures chimériques. Une gueule béante aussi inquiétante que la figure de Nemesis dans Resident Evil. Une silhouette élancée qui fait ressurgir des réminiscences de créatures fantasmagoriques où s’entremêlent un félin qui se tapit, prêt à l’attaque et des lignes agressives qui lui forgent un corps de requin-tigre, le tout sculpté à la façon d’une batmobile.
« Fais pas semblant de ne pas me voir » soupire Étienne. Non pas que je ne reconnaisse plus personne quand je vois une Aston, mais difficile de ne pas être perturbé devant tant d’ostentation. En effet, cette divinité anglaise se prénomme DBS et porte la mention « ASTON MARTIN », c’est écrit ainsi sur son coffre.
Comme d’habitude, l’ouverture de la porte se fait en poussant délicatement la targette, pour ensuite la tirer vers soi. Entrer dans cette Aston Martin DBS c’est plus qu’un rituel, c’est une gestuelle synchronisée que seuls quelques connaisseurs maîtrisent : on pivote sur ses pieds afin d’y poser le séant en premier, puis l’on ramène les jambes naturellement, sans oublier bien évidemment le léger sourire et surtout, en dépit de l’assise ultra basse et la première chute quelque peu acrobatique, de garder l’allure flegmatique. Car, il ne faut pas l’oublier — ce n’est pas une surprise — en si bonne compagnie, on vous observe !
Démarrage canon et accélération catapulte, la simple balade se transforme en ballade avec un orchestre cylindrique en V12 de 725 chevaux. Un moteur 5,2l twin turbo qui vous mènera inévitablement à la prochaine station essence. Mais à ce prix-là, il vaut mieux oublier car quand on aime, on ne compte pas.
Le franchissement de dos d’ânes se fait en deux temps, d’abord les roues avant qui abordent le ralentisseur en biais puis l’on redresse aussitôt pour ramener l’arrière train. Un déhanché envoûtant qui a le don de ne pas laisser indifférent les passants, y compris les plus grands danseurs de l’Opéra Garnier.
Alors comme à l’habitude, nous mettons le cap sur l’obélisque qui règne en bas des Champs-Élysées où différents siècles de notre histoire se font écho. Au cœur de cette place de la Concorde, où règne le chaos du trafic et l’omniprésence des travaux, nous remarquons ces petits détails, sous le capot, qui rendent cette dame anglaise des plus raffinées comme ce bouchon d’huile couleur or ou cette plaque sur le moteur où est gravé le nom de l’ingénieur Paul O’Brien qui vient par sa signature attester la qualité du « fait à la main en Angleterre ».
Mathilde est venue de Bourgogne pour les vacances et pour l’instant, la seule attraction qui captive son attention ce sont ces étriers de frein rouge siglés Aston Martin. « Ah ! C’est pas très classe » me lance cette étudiante en mode, qui me voit peiner à sortir de la DBS Superleggera. Je l’invite donc à prendre place à bord et de tenter une sortie plus charismatique. En vain, l’étudiante avoue être « déstabilisée » dans cet univers sulfureux, foisonnant de « boutons et commandes », où l’on est « assis plus bas que la porte ».
Emma et Louise, sont Alsaciennes et ont subitement délaissé leurs trottinettes pour venir approcher ce cabriolet grisant. « Félin ou requin ? », à la question philosophique où je ne parvenais pas à m’accorder avec Étienne, elles ont tranché, ça sera « la tête d’un félin et le corps d’un requin ». Ne perdant pas le nord, les demoiselles s’installent à bord de la majestueuse et appairent aussitôt leur téléphone via Bluetooth pour se laisser bercer le temps d’un coup de cœur musical dans une parenthèse impromptue au son de Grace Vanderwaal – Ur so beautiful.
Les deux places étant loin de se libérer, j’essaie tant bien que mal de m’installer à l’arrière dans un recoin avec des sièges trompe l’œil parfaits pour les enfants ou punir un ami…
La pluie s’invite soudainement. Or, nous sommes toujours en train de disserter sur la forme du museau dessinée par les nervures sur le capot en contraste avec ces branchies latérales et l’aileron arrière qui parachèveront la représentation d’un requin tigre. Et les filles recapotent incognito pour une immersion totale avec les enceintes Bang & Olufsen. Il est l’heure de repartir mais nos belles amies ne sont pas du même avis. « C’est difficile d’en sortir » se lamentent les demoiselles, nous faisant les yeux doux. Emma et Louise seraient-elles sujettes à une soudaine flemme aux allures de mauvaise volonté ou auraient-elles donc peur d’effectuer cette contorsion théâtrale afin de s’extirper du cabriolet ? Probablement les deux… C’est sûrement ça le rite de l’Aston Martin !
On pensait Paris libéré de ces panneaux publicitaires, eh non ! Les revoilà… Et ils ont fleuri à autant d’endroits stratégiques qu’ils en arrivent à gâcher de façon éblouissante l’harmonie de Paris et d’occulter toute vision à l’horizon.
Ainsi, et comme il n’y en avait pas déjà assez, voilà de nouveaux travaux, des trottoirs défoncés pour replanter ces panneaux qui furent enlevés suite à une décision de justice. Fini la rêverie et flânerie parisienne, maintenant place au lavage de cerveau marketing, au consumérisme compulsif puis à l’architecture capitalistique avec ce « mobilier urbain ».
LE RETOUR LA POLLUTION VISUELLE À PARIS
« Pourtant, nous sommes bien dans l’espace public, censé être notre espace, là où on est le plus légitime et ce dernier est exproprié par les multinationales » regrette Khaled Gaiji, porte-parole de Résistance à l’agression publicitaire, une association qui se bat depuis plus de 25 ans contre l’invasion publicitaire.
Au sein de ce collectif qui prône la sobriété publicitaire l’on s’étonne d’une « mesure suicidaire de la Mairie de Paris avant les municipales ». En effet, la cause antipublicitaire, même si elle reste discrète, n’en est pas moins très populaire. Il n’y a eu « aucune concertation avec les maires d’arrondissements » déplore-t-on à la Mairie du 17ème arrondissement de Paris. En théorie, le Maire « se réserve le droit d’agir », en pratique les panneaux sont déjà installés !
Face au lobby des publicitaires et les politiques peu scrupuleuses des municipalités, les citoyens des villes se sentent trahis quand se dresse chaque jour un nouveau support commercial. Que ce soit sur des poteaux, les abribus, des façades, des monuments ou encore des chantiers… Revoilà une nouvelle publicité ! Mais le message de résistance des parisiens est des plus louables et honnêtes. Comme cette affiche adressée à la Ville de Paris : « les habitants du quartier ne veulent pas de panneau publicitaire mais un arbre ».
C’est un beau et grand voilier qui vient de faire son approche sur le port de Kaş, au Sud de la Turquie. Alex effectue la manœuvre d’amarrage. Imperturbable, mais non moins nonchalant, sa barbe bien fournie lui forge ce caractère de presque vieux loup de mer tandis que son regard perçant pourrait faire de lui l’effigie de ce mannequin en poster dans la chambre d’une adolescente.
Tant de charisme qui fait déjà saliver ces trois sulfureuses polonaises dont l’attention ne se porte plus que sur le skipper : « Vous venez d’où ? Lui demande l’une d’elles — De Corse… » lance-t-il fièrement. Les yeux des filles scintillent aussitôt. — Que faites-vous dans la vie ? — Je suis navigateur et poète, termine-t-il légèrement agacé par la question. — Ça doit être la belle vie de voguer à travers le globe au gré de vos envies ? »
Taciturne, il sourit et reste pensif…
Certes, changer tous les jours de cadre et rencontrer de nouvelles personne c’est le bon côté de la navigation. Peut-être « un des derniers aspect qui persiste encore aujourd’hui ». Même s’il est passionné de nautisme, Alex regrette cette période où existait encore la « belle aventure » que tout le monde fantasme encore, cette « bohème nautique », aujourd’hui, n’existe plus.
En effet, autrefois « on arrivait avec un rafiot ou un bateau des plus minimaliste et on se posait comme un pirate dans un coin du port ». Aujourd’hui, prendre la mer cela reste une grande aventure mais « c’est devenu une vraie industrie où tout est question de fric ». Il enchaîne du tac au tac : « entre les délais d’attente pour le contrôle d’entrée dans chaque pays, qui varient entre 4 à 5 heures, puis les taxes ainsi que les frais de ports qui peuvent atteindre les 1 000 euros. Tout ceci, ajouté aux frais de carburant mais aussi d’équipements. Sur ce bateau de 4 millions d’euros, il y a 400 000 euros juste pour les voiles. De surcroît, le bateau doit s’équiper d’un système de navigation GPS, d’un téléphone satellite et de radios pour être assuré, « les assurances sont très regardantes car ça chiffre très vite si tu abîmes le quai ou le yacht d’un voisin » précise le jeune capitaine.
À la question de « l’écologie dans tout cela ? », il soupire et lève les yeux au ciel. Entre les plastiques des bateaux qui ne sont pas recyclables, les solvants de construction, la peinture au cuivre que l’on met sur les coques pour éviter que les algues s’accrochent, les particules de peintures sur la coque et enfin les diesels des bateaux… « On est loin de préserver notre planète », se lamente-t-il.
Ce qui le désole le plus lorsqu’il vogue, c’est qu’« il ne se passe pas deux secondes sans croiser un sac plastique y compris les déchets organiques qui ne se biodégraderont jamais ».
Et la carte postale paradisiaque d’une étape pour se baigner nu dans une eau bleue turquoise est aussitôt balayée par ce cliché qu’il montre sur son téléphone avec ces vingt bateaux en Grèce qui ont jeté leurs eaux sales en pleine mer : « tu ne peux plus te baigner, il y a des boulettes de caca partout ! »
Rares sont les moments de navigation où l’on jouit au gré du vent, au gré des courants… Et pour cause, la navigation est loin d’être un long fleuve tranquille. Il se remémore les conditions difficiles, ces moments où l’eau était mouvementée, ces états de fatigue qui mènent aux moments d’hallucinations que Homère retranscrit parfaitement avec Ulysse dans L’Odyssée .
Tous ces petits détails qui ont le don de rendre cette mer des plus amères.