Le rituel de l’Aston Martin

« Un monstre t’attend », me répond Étienne lorsque je lui annonce mon approche de la gare de Lyon. Pris dans une torpeur, je me souvenais de cette Porsche GT3 RS et j’essayais d’imaginer à quoi pouvait ressembler le deus ex machina qui pouvait m’attendre. Perdu dans mes pensées, je tombais nez-à-nez avec une créature aux allures chimériques. Une gueule béante aussi inquiétante que la figure de Nemesis dans Resident Evil. Une silhouette élancée qui fait ressurgir des réminiscences de créatures fantasmagoriques où s’entremêlent un félin qui se tapit, prêt à l’attaque et des lignes agressives qui lui forgent un corps de requin-tigre, le tout sculpté à la façon d’une batmobile.

« Fais pas semblant de ne pas me voir » soupire Étienne. Non pas que je ne reconnaisse plus personne quand je vois une Aston, mais difficile de ne pas être perturbé devant tant d’ostentation. En effet, cette divinité anglaise se prénomme DBS et porte la mention « ASTON MARTIN », c’est écrit ainsi sur son coffre.

Comme d’habitude, l’ouverture de la porte se fait en poussant délicatement la targette, pour ensuite la tirer vers soi. Entrer dans cette Aston Martin DBS c’est plus qu’un rituel, c’est une gestuelle synchronisée que seuls quelques connaisseurs maîtrisent : on pivote sur ses pieds afin d’y poser le séant en premier, puis l’on ramène les jambes naturellement, sans oublier bien évidemment le léger sourire et surtout, en dépit de l’assise ultra basse et la première chute quelque peu acrobatique, de garder l’allure flegmatique. Car, il ne faut pas l’oublier — ce n’est pas une surprise — en si bonne compagnie, on vous observe !

Démarrage canon et accélération catapulte, la simple balade se transforme en ballade avec un orchestre cylindrique en V12 de 725 chevaux. Un moteur 5,2l twin turbo qui vous mènera inévitablement à la prochaine station essence. Mais à ce prix-là, il vaut mieux oublier car quand on aime, on ne compte pas.

Le franchissement de dos d’ânes se fait en deux temps, d’abord les roues avant qui abordent le ralentisseur en biais puis l’on redresse aussitôt pour ramener l’arrière train. Un déhanché envoûtant qui a le don de ne pas laisser indifférent les passants, y compris les plus grands danseurs de l’Opéra Garnier.

Alors comme à l’habitude, nous mettons le cap sur l’obélisque qui règne en bas des Champs-Élysées où différents siècles de notre histoire se font écho. Au cœur de cette place de la Concorde, où règne le chaos du trafic et l’omniprésence des travaux, nous remarquons ces petits détails, sous le capot, qui rendent cette dame anglaise des plus raffinées comme ce bouchon d’huile couleur or ou cette plaque sur le moteur où est gravé le nom de l’ingénieur Paul O’Brien qui vient par sa signature attester la qualité du « fait à la main en Angleterre ».

Mathilde est venue de Bourgogne pour les vacances et pour l’instant, la seule attraction qui captive son attention ce sont ces étriers de frein rouge siglés Aston Martin. « Ah ! C’est pas très classe » me lance cette étudiante en mode, qui me voit peiner à sortir de la DBS Superleggera. Je l’invite donc à prendre place à bord et de tenter une sortie plus charismatique. En vain, l’étudiante avoue être  « déstabilisée » dans cet univers sulfureux, foisonnant de « boutons et commandes », où l’on est « assis plus bas que la porte »

Emma et Louise, sont Alsaciennes et ont subitement délaissé leurs trottinettes pour venir approcher ce cabriolet grisant. « Félin ou requin ? », à la question philosophique où je ne parvenais pas à m’accorder avec Étienne, elles ont tranché, ça sera « la tête d’un félin et le corps d’un requin ». Ne perdant pas le nord, les demoiselles s’installent à bord de la majestueuse et appairent aussitôt leur téléphone via Bluetooth pour se laisser bercer le temps d’un coup de cœur musical dans une parenthèse impromptue au son de Grace Vanderwaal –  Ur so beautiful.

Les deux places étant loin de se libérer, j’essaie tant bien que mal de m’installer à l’arrière dans un recoin avec des sièges trompe l’œil parfaits pour les enfants ou punir un ami…

La pluie s’invite soudainement. Or, nous sommes toujours en train de disserter sur la forme du museau dessinée par les nervures sur le capot en contraste avec ces branchies latérales et l’aileron arrière qui parachèveront la représentation d’un requin tigre. Et les filles recapotent incognito pour une immersion totale avec les enceintes Bang & Olufsen. 
Il est l’heure de repartir mais nos belles amies ne sont pas du même avis. « C’est difficile d’en sortir » se lamentent les demoiselles, nous faisant les yeux doux. Emma et Louise seraient-elles sujettes à une soudaine flemme aux allures de mauvaise volonté ou auraient-elles donc peur d’effectuer cette contorsion théâtrale afin de s’extirper du cabriolet ?  Probablement les deux… C’est sûrement ça le rite de l’Aston Martin !

Daniel Latif
Photos : Étienne Rovillé /DL /DR

El Profesor malgré lui

« Je pense qu’on te l’a déjà dit ? », « tu connais la Casa de Papel ? » ou « c’est fou parce que tu ressemble trop au Professeur », que ce soit au supermarché, dans la rue et même à l’étranger… A force d’entendre cette même ritournelle ou de déclencher l’hilarité des caissières, je suis allé voir à quoi ressemblait Alvaro Morte, l’acteur espagnol qui incarne le fameux « El Profesor » dans cette célèbre série Netflix connue sous le nom de Money Heist. Soit, mais je ne suis pas convaincu. « Tu dois le voir dans le contexte de la Casa de Papel » m’assure-t-on encore.

Alors que j’arpentais les allées de la porte de Versailles à l’occasion de la Paris Game Week, je croisais quelques Cosplayer, ces fans qui incarnent des personnages fantastiques, issus de comics ou autres jeux-vidéo qui ont marqué des générations. Il y a notamment Lara Croft du jeu Tomb Raider, Mario et Luigi du célèbre jeu de Super Nintendo ou encore l’agent des forces spéciales Bandit de Rainbow Six siege. Toutefois, ils restent assez minoritaires dans l’affluence de cette convention, car il s’agit ici principalement d’un rassemblement de jeunes « geek qui n’ont pas cette culture du déguisement, contrairement à la Japan Expo ou Paris Manga et Sci-Fi Show » analyse Adrien, venu spécialement de Rouen pour l’événement dans son costume de personnage de la confrérie d’Assasin’s Creed.

Culture du déguisement, certes, mais pas question de s’approvisionner dans les boutiques officielles de merchandising. Tous ces fans qui donnent vie à leurs personnages fantastiques ont poussé le détail des ressemblances en confectionnant eux-même leurs costumes. Tout est presque fait maison, à partir de tissus récupérés, cousus main comme ces protège tibias recouverts de simili cuir ou ces armes factices en carton ou bois poncé, dont certaines ont été mises en consigne par les vigiles, car trop réalistes.

Plus qu’un travail d’artisan minutieux, il s’agit également d’une performance d’acteur comme Allan, ce fan venu du Sud incarnant le soldat Link dans Zelda, qui interprète avec brio le chant du temps et des bois perdus à l’ocarina, une flûte en forme de tête d’oie. Une envoûtante mélodie qui attire les connaisseurs qui viennent spontanément faire une vidéo ou l’abordent pour un bon mot, un brin nostalgique de cette « belle période » rétro.

Toujours en pleine déambulation, j’aperçois les fameux malfaiteurs de la Casa de Papel. Vêtus d’une combinaison rouge arborant le masque de Dali, l’un d’eux se retourne et m’observe. Coïncidence ou non, il s’agit du moment idoine pour vérifier si la ressemblance avec le chef de la bande de voleurs est notoire. Je fais un signe de la main. Aussitôt, le personnage masqué accourt et m’embrasse : « El Profesor ! Où étiez-vous passé ? Vous nous avez manqué », je reste interdit devant autant d’émotion, « je suis Athènes » me lance naturellement Carole qui se cache derrière le masque. Arrive un deuxième braqueur qui lui aussi me prend dans ses bras : « moi c’est Huston, quel est le plan professeur ? ».

« Athènes et Huston » n’existent pas dans la série, mais ce couple est tellement fan qu’ils se sont créé leurs propres personnages. La scène est surréaliste. Un visiteur, iPhone en main, s’approche : « on peut faire une photo ? ». Et c’est ainsi que s’est improvisé, au cœur de la Paris Game Week, un retournement de situation improbable pour des personnages qui se retrouvent braqués devant les nombreux objectifs des aficionados de tous âges et différentes contrées venus poser comme otages aux côtés des protagonistes de la Casa de Papel et du Professeur, malgré lui. 

Une heure après, l’effervescence de la séance photo redescend. Je rejoins mes confrères Alexandre et Alexandra puis leur raconte mon improbable aventure. Tous deux me scrutent attentivement : « maintenant que tu le dis, ouais, il y a un air… ». Amusés et troublés par la ressemblance, ils s’enquièrent : « mais, tu leur as dit que ce n’était pas toi le Professeur ? ».

J’avoue, j’ai complètement oublié !

Daniel Latif
Photos : DL /DR
Illustration : Carole Sauret

Ma première fois… dans un Lounge

Il faut se réjouir si vous n’avez que deux terminaux à traverser pour rejoindre le Lounge KLM à Amsterdam Schiphol. L’aéroport étant tellement grand que si vous n’avez qu’une heure de correspondance, l’escale au Lounge peut rapidement se transformer en marathon. Ce jour-là, je suis large, j’ai plus de 4 heures de correspondance, c’est mon anniversaire et le vol que je m’apprête à effectuer va me permettre de passer au statut Gold.

J’arrive devant l’hôtesse KLM, une blonde reconnaissable avec sa tenue bleue emblématique. Je fais les yeux doux et lui explique ma situation, essayant de l’amadouer afin d’obtenir ses faveurs. Aussitôt, un grand sourire s’affiche sur son visage : « Ohhh, félicitations M. Latif et un très joyeux anniversaire alors ! » s’enthousiasme-t-elle. Puis, soudain, l’air grave, elle enchaîne : « malheureusement je ne peux vous faire rentrer dans le lounge et même si vous payez, vous devrez attendre deux heures, car nous sommes en heure de pointe… ».

Si près du but, quelle frustration…

Abasourdi par la rigueur néerlandaise et l’absence d’humanisme de l’hôtesse, je fais demi-tour et ressors. Je ne me dégonfle pas pour autant, et demande au premier passager qui se dirige vers le salon : « puis-je être votre invité ?
— Bien sûr !

Sans même expliquer quoi que ce soit, nous nous dirigeons vers le comptoir, devant la même hôtesse et le jeune homme lui lance : « c’est mon invité ! »

L’hôtesse sourit jaune, me fusille du regard, mais ne dit mot. J’étais un peu gêné toutefois je bouillonnais intérieurement de joie, pour ne pas me confronter à un éventuel deuxième refus.

Ça y est, je pénètre enfin dans mon premier Lounge. Un salon aux allures de Star Trek avec un look faussement futuriste de l’époque qui a très mal vieilli. Il y a de tout : des fauteuils, des canapés, des espaces de travail, des douches, qui ne donnent guère l’envie d’y mettre un doigt de pied, un fax ! — qui ne fonctionne plus, mais qui atteste bien que la décoration ainsi que le mobilier date du siècle dernier. Au fond, vous l’aurez rapidement senti, c’est le coin fumeur. Une bulle d’où s’échappe continuellement les émanations des passagers neurasthéniques à chaque va et vient.

Enfin, il y a cette cuve en inox, sous verre reliée à un tuyau menant à un robinet à pression. L’installation — factice — est toutefois, impressionnante. Normal, c’est Heineken qui régale. Une marque que je suis loin d’affectionner mais comme c’est local, je me laisse tenter. Il y a même un manuel qui vous explique comment servir la bière parfaitement, du rinçage de verre jusqu’au service.

Une blonde quelque peu décevante pour couronner ma première fois, mais surtout une bière reflétant harmonieusement bien l’ambiance régnant dans ce salon à Amsterdam, et qui de surcroît est à l’image de mon nouveau statut Gold : somme toute assez banale. Pour une première expérience, c’est raté.

Allez Proost ! comme diraient les aficionados d’Heineken, et salut la compagnie !

Daniel Latif

L’arbre ou la pub ? La Mairie a tranché !

On pensait Paris libéré de ces panneaux publicitaires, eh non ! Les revoilà… Et ils ont fleuri à autant d’endroits stratégiques qu’ils en arrivent à gâcher de façon éblouissante l’harmonie de Paris et d’occulter toute vision à l’horizon.

Ainsi, et comme il n’y en avait pas déjà assez, voilà de nouveaux travaux, des trottoirs défoncés pour replanter ces panneaux qui furent enlevés suite à une décision de justice. Fini la rêverie et flânerie parisienne, maintenant place au lavage de cerveau marketing, au consumérisme compulsif puis à l’architecture capitalistique avec ce « mobilier urbain ».

LE RETOUR LA POLLUTION VISUELLE À PARIS

« Pourtant, nous sommes bien dans l’espace public, censé être notre espace, là où on est le plus légitime et ce dernier est exproprié par les multinationales » regrette Khaled Gaiji, porte-parole de Résistance à l’agression publicitaire, une association qui se bat depuis plus de 25 ans contre l’invasion publicitaire. 

Au sein de ce collectif qui prône la sobriété publicitaire l’on s’étonne d’une « mesure suicidaire de la Mairie de Paris avant les municipales ». En effet, la cause antipublicitaire, même si elle reste discrète, n’en est pas moins très populaire. Il n’y a eu « aucune concertation avec les maires d’arrondissements » déplore-t-on à la Mairie du 17ème arrondissement de Paris. En théorie, le Maire « se réserve le droit d’agir », en pratique les panneaux sont déjà installés !

Face au lobby des publicitaires et les politiques peu scrupuleuses des municipalités, les citoyens des villes se sentent trahis quand se dresse chaque jour un nouveau support commercial. Que ce soit sur des poteaux, les abribus, des façades, des monuments ou encore des chantiers… Revoilà une nouvelle publicité ! Mais le message de résistance des parisiens est des plus louables et honnêtes. Comme cette affiche adressée à la Ville de Paris : « les habitants du quartier ne veulent pas de panneau publicitaire mais un arbre ».

Daniel Latif
Photos : DL /DR

La bohème nautique n’existe plus

C’est un beau et grand voilier qui vient de faire son approche sur le port de Kaş, au Sud de la Turquie. Alex effectue la manœuvre d’amarrage. Imperturbable, mais non moins nonchalant, sa barbe bien fournie lui forge ce caractère de presque vieux loup de mer tandis que son regard perçant pourrait faire de lui l’effigie de ce mannequin en poster dans la chambre d’une adolescente.

Tant de charisme qui fait déjà saliver ces trois sulfureuses polonaises dont l’attention ne se porte plus que sur le skipper :
« Vous venez d’où ? Lui demande l’une d’elles
— De Corse… » lance-t-il fièrement.
Les yeux des filles scintillent aussitôt. 
— Que faites-vous dans la vie ?
— Je suis navigateur et poète, termine-t-il légèrement agacé par la question.
— Ça doit être la belle vie de voguer à travers le globe au gré de vos envies ? »

Taciturne, il sourit et reste pensif…

Certes, changer tous les jours de cadre et rencontrer de nouvelles personne c’est le bon côté de la navigation. Peut-être « un des derniers aspect qui persiste encore aujourd’hui ». Même s’il est passionné de nautisme, Alex regrette cette période où existait encore la « belle aventure » que tout le monde fantasme encore, cette « bohème nautique », aujourd’hui,  n’existe plus.

En effet, autrefois « on arrivait avec un rafiot ou un bateau des plus minimaliste et on se posait comme un pirate dans un coin du port ». Aujourd’hui, prendre la mer cela reste une grande aventure mais « c’est devenu une vraie industrie où tout est question de fric ». Il enchaîne du tac au tac : « entre les délais d’attente pour le contrôle d’entrée dans chaque pays, qui varient entre 4 à 5 heures, puis les taxes ainsi que les frais de ports qui peuvent atteindre les 1 000 euros. Tout ceci, ajouté aux frais de carburant mais aussi d’équipements. Sur ce bateau de 4 millions d’euros, il y a 400 000 euros juste pour les voiles. De surcroît, le bateau doit s’équiper d’un système de navigation GPS, d’un téléphone satellite et de radios pour être assuré, « les assurances sont très regardantes car ça chiffre très vite si tu abîmes le quai ou le yacht d’un voisin » précise le jeune capitaine. 

À la question de « l’écologie dans tout cela ? », il soupire et lève les yeux au ciel. Entre les plastiques des bateaux qui ne sont pas recyclables, les solvants de construction, la peinture au cuivre que l’on met sur les coques pour éviter que les algues s’accrochent, les particules de peintures sur la coque et enfin les diesels des bateaux…  « On est loin de préserver notre planète », se lamente-t-il. 

Ce qui le désole le plus lorsqu’il vogue, c’est qu’« il ne se passe pas deux secondes sans croiser un sac plastique y compris les déchets organiques qui ne se biodégraderont jamais ».

Et la carte postale paradisiaque d’une étape pour se baigner nu dans une eau bleue turquoise est aussitôt balayée par ce cliché qu’il montre sur son téléphone avec ces vingt bateaux en Grèce qui ont jeté leurs eaux sales en pleine mer : « tu ne peux plus te baigner, il y a des boulettes de caca partout ! »

Rares sont les moments de navigation où l’on jouit au gré du vent, au gré des courants… Et pour cause, la navigation est loin d’être un long fleuve tranquille. Il se remémore les conditions difficiles, ces moments où l’eau était mouvementée, ces états de fatigue qui mènent aux moments d’hallucinations que Homère retranscrit parfaitement avec Ulysse dans L’Odyssée .

Tous ces petits détails qui ont le don de rendre cette mer des plus amères.

Daniel Latif
Photos : Alexandre Merlet /DR

Le Lounge de bas étage

C’est presque tout un sport que d’accéder aux lounges du terminal 2F de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. Situés en bout du terminal, il vous faudra zigzaguer entre les passagers qui attendent devant les portes d’embarquement « s’il vous plaît, pardon, permesso ».

Maintenant, vous devez prendre le plus exaspérant des escalator, celui à une file où il y a toujours quelqu’un devant vous. Et dans ces moments-là, le temps vous est compté. Arrivé au sous-sol, demi-tour et nous y voilà !

A gauche, tous les agents du comptoir d’accueil sont occupés, direction la machine pour scanner soi-même son billet. Les yeux se braquent furtivement sur vous… Va-t-il réussir à répondre à la question subsidiaire « avez-vous un invité ? ».

Subsidiaire et parfois éliminatoire, car le salon, étant très fréquenté, surtout les matins, l’on vous proposera des bons de 12 euros valables dans les restaurants, kiosques et cafés environnants.

Pour avoir pratiqué de long en large ce terminal, autant vous dire d’avance qu’avec cette somme vous n’avez même pas de quoi avoir un sandwich au Jamon Jabugo… 

La lumière verte s’allume, bingo ! « Bienvenue M. Latif » !

Maintenant, il faut trouver une place — et ça c’est une autre épreuve. 

Ici, plus de places. Là, non plus. Et ici, il y a visiblement personne mais un grand écran diffuse en boucle France 24, heureusement sans son, on comprend pourquoi ! Il semblerait que les passagers ont préféré éviter la sinistrose de bon matin. 

La particularité de ce salon, où la vue est imprenable sur les pistes et les avions, c’est qu’il est situé face à d’immenses baies vitrées qui sont là plupart du temps voilées par un rideau gris. Sans doute quelqu’un incommodé par l’irritant soleil parisien ?

Ce qui immanquablement oblige les occupants du salon à allumer leurs veilleuses au-dessus des sièges.

Et comme ces dernières restent toutes allumées y compris l’après-midi, cela crée une atmosphère d’aérodrome avec le balisage lumineux formant les longs couloirs pour guider les avions en vue de leur atterrissage. Quand vous prenez place dans les fauteuils, cela aveugle car l’éclairage frontal de la puissante LED vous donnera cette impression d’être au poste de police pendant un interrogatoire de garde à vue.

En matière de réveil, on a connu mieux ! 

Une expérience à l’image de la capitale à vous faire tirer la gueule et un buffet à la parisienne, notamment au petit déjeuner, qui vous laissera affamé avec ces croissants et pains au chocolat congelés, les mêmes qu’on sert dans l’avion…

Tout contribue à vous faire regretter d’y être passé.

Allez, salut la compagnie !

Frayeur andalouse

« Je ne sais pas où on va, mais on y va » s’inquiétait Alain dans ce van où régnait un silence insupportable. Étienne était scotché sur son téléphone, tandis que Ben s’était endormi. Les autres passagers étaient plongés dans une torpeur. Lobotomisés, figés, le regard vide, ils subissaient la conduite robotisée d’un chauffeur taciturne, complètement absorbé, roulant à tombeau ouvert sur cette autoroute sans fin en direction de nulle part.

Soudain, le van s’arrêta à cette station essence dans une zone désertique. Ils étaient loin de l’ambiance festive et de cette ritournelle « Vamos a la Playa » qu’ils avaient en tête lorsqu’ils voulurent fuir la sinistre rentrée en quête de profiter des derniers instants d’été sur une plage abandonnée.

Étienne, armé de son boîtier Canon emprunta un chemin étroit en vue de faire quelques photos à la façon d’un explorateur. Alain, toujours à la recherche du cliché parfait pour faire rager ses collègues le suivit. Ben, ne sachant que faire, emboîta également le pas sans grande conviction. Tous les trois progressaient, au gré des cheminements chaotiques, suivant leur intuition, persuadés qu’ils trouveraient un petit coin de paradis.

Après plusieurs minutes de marche, à plaisanter et refaire le monde, ils ont, sans même prêter attention à leur itinéraire, traversé un ponton, longé de nombreuses éoliennes et se sont engagés sur une route de montagne balisée d’un mystérieux fléchage jaune.

Arrivés au sommet de la montagne, leur seule gratification fut cette vue imprenable sur un paysage lunaire, où l’on devine des volcans dans le fond surplombant ce paysage rocheux et désertique qui s’étend tel une immense cuvette, avec ce chemin tortueux qui mène vers un point d’eau verdâtre — le genre de bassin où tu n’oserais pas te baigner sans une combinaison de protection radioactive. Alain envoie cette carte postale énigmatique signée d’un très laconique « Nevada ou Oklahoma ? » à son amie qui lui répond aussitôt : « paysage très glauque, Nevada plutôt, ou carrément terres au Turkménistan ». Et pourtant, ils voulaient juste profiter de la Playa à Malaga.

Le vent se lève, un immense nuage noir se dessine à l’horizon, le temps se couvre et l’orage gronde. Les trois amis ne savent ni où ils sont, ni où aller pour s’abriter. Un éclair les affole, ils courent en direction de cette cabane, tout est fermé. Mitoyen à cette petite maison, un poste de station électrique des plus lugubres et encore moins rassurant qui rappelle une scène du jeu vidéo Resident Evil. Un pick-up Mitsubishi L200 couleur Sun Flare orange est garé non loin, ouvert, alors les aventuriers y pénètrent histoire de laisser passer la bourrasque. Et voilà, comment ils prirent place sans le savoir à bord du tout nouveau Mitsubishi L200.

Nevada ou Oklahoma ? Non, on est bel et bien à Malaga

Les clients lui reprochaient quelque chose de « timide » alors le constructeur aux trois diamants a voulu lui redonner un caractère « plus masculin et plus fort ». Ainsi, et même s’il n’a pas pris 1 millimètre, le nouveau L200 garde la même signature stylistique mais voit son capot rehaussé. Qu’il roule sous la pluie, la neige ou à travers un nuage de poussière, impossible de ne pas le remarquer avec son nouvel éclairage LED à l’avant et à l’arrière. Désormais, il chausse des jantes plus grosses de 18 pouces et embarquant un nouveau moteur 2,2l diesel de 150 ch relié à une nouvelle boîte mécanique de 6 rapports. 

Voulant fermer la fenêtre, Alain appuya par réflexe sur le bouton start, et à la grande surprise générale le contact s’établit, le tableau de bord prit vie. « S’il y a le contact, ça veut dire qu’il y a les clés quelque part… », en effet, la clé intelligente se trouvait dans la boîte à gant. Ne cherchant pas à comprendre, il appaire son smartphone au système multimédia. Son téléphone sonne, c’est l’amie Pauline qui habite dans la région, il décroche : « T’es à Malaga ? 
— Presque !
— Mais t’es où, t’es à côté de quoi ?
— Si je savais ?! Attends, je t’envoie une photo…
— Hannn, qu’est-ce que tu fous là-bas ?! C’est une zone abandonnée, les mecs ont commencé un projet de construction de parc aquatique…
— Quels mecs ?
— Justement, on ne sait pas, ils ont disparu quand ils ont découvert que la zone était irradiée et ont tout laissé en plan ».

Un silence s’installe, les trois lurons font moins les malins et se regardent… Pauline reprend d’une voix sérieuse : « il y a eu une crise immobilière, il y règne un microclimat et les gens n’osent plus y aller à cause de cette légende urbaine andalouse…
— Comment ça ? 
— Tout le pueblo se demande encore pourquoi les enfants n’ont pas le droit de s’y aventurer…
— Pourtant, on y a trouvé un pick-up Mitsubishi L200, le tout nouveau !
— Je peux pas t’expliquer au téléphone mais faut pas rester là…

La radio s’allume, et un bulletin d’alerte prévient d’un changement brutal de climat. Greta avait peut-être raison ? Le message recommandait aux conducteurs la plus grande vigilance.

Ni une, ni deux… Ben prit le volant et démarra en trombe. Étonnamment, il était super à l’aise dans la conduite de l’imposant pick-up de 5,30m de longueur et 2m de large. Il s’était toutefois bien gardé d’expliquer que le L200 était équipé de pléthore d’aides à la conduite qui en facilitait sa prise en main, y compris dans des situations off-road. En effet, d’un tour de molette, l’on peut aisément passer de deux à quatre roues motrices. Enclenchant ainsi le mode 4H pour les routes accidentées et conditions dangereuses, il pouvait progresser ainsi jusqu’à plus de 170 km/h.

Après plusieurs kilomètres à errer, ils croisent le seul panneau dans ce paysage surréaliste : « zona de seguridad ». Mais à l’horizon, toujours rien, sauf des virages et des routes à perte de vue. « Heureusement que le GPS est là, s’enthousiasme Alain, enfin presque, pondère-t-il, nous sommes sur la « Route sans nom » ».

Étienne aperçoit un troupeau de brebis égarées, n’ayant peur de rien, il veut immortaliser cette scène mais ces dernières prennent la fuite à leur approche. La route devient de plus en plus étroite, Ben persiste à malmener ses coéquipiers dans sa conduite de vive allure, n’hésitant pas à écraser les freins renforcés car il est ralenti par les trous qui secouent les passagers — toujours pas malades : « Là, je suis en conduite rallye avec un pickup ». Le contexte est plus que bizarre. En effet, Ben, casquette Che Guevara vissée sur la tête, arrive à faire le commentaire de sa conduite pour rassurer ses amis agrippés aux poignées, tout en restant concentré sur sa performance. Il n’en demeure pas moins ébloui par la fiabilité à toute épreuve du Mitsubishi L200 et de son comportement routier : « elle encaisse grave !!! ». 

La montée est rude mais le L200 ne faiblit pas. Les voilà à une intersection. Il y a un panneau STOP — on se demande encore à quoi bon il peut servir… Le GPS se met enfin à causer : « Allez vers le Nord ». Le Nord, le nord… mais encore ?!

Enfin, ils finissent par franchir des grilles. L’odeur des champs d’oliviers bordant les routes est la confirmation qu’ils ont enfin retrouvé un peu de civilisation ou presque. Ils arrivent enfin au point de rendez-vous, devant l’hôtel la Bobadilla mais toujours personne en vue. « Chlack, boum », le bruit venait de l’arrière du pickup : « il est super chouette ce L200 les garçons ! ». C’était Pauline, qui n’a pas pu s’empêcher de grimper à l’arrière dans la benne. « Ben dis-donc, vous en faites une drôle de tête ?
— On a cru qu’on ne sortirait pas vivants de cette vallée de la mort.
— Mais que vous êtes sots, répliqua-t-elle pouffant de rire. T’étais dans les parages, alors je me suis dit, tant qu’à faire, ramène-voir ce nouveau Mitsu ».

Réalisant enfin qu’il n’y avait aucune légende urbaine, encore moins de projet abandonné dans une zone radioactive et que tout ceci n’était que du « pipeau laser », les trois garçons restèrent sans voix. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’y a pas que les montagnards, exploitants agricoles et artisans en construction pour s’amouracher de ce pickup iconique pour sa robustesse et sa résistance notoire.
« Bon allez, on y va à la Playa ? » lança-t-elle dans son entrain.

Quelle coquine cette Pauline !

Daniel Latif
Photos : Étienne Rovillé / DL /DR

Génération « porno-écolo »

Qu’ils sont imaginatifs ces créatifs de Pornhub. À l’heure où tout le monde s’affole pour la planète, voilà une curieuse entreprise reine de l’évasion fiscale — mais pas que — qui rentre dans le bal des tartuffes.

« Aider à protéger les plages et océans contre la pollution […] pour chaque vues, nous ferons une donation à Ocean polymers ». L’intention était bonne, certes ! Jusqu’à ce que n’apparaisse la condition pour un tel don : « regarder l’intégralité de la vidéo sur Pornhub ». Car la holding luxembourgeoise rappelle dans le générique de la bande-annonce sa devise : « Plus c’est sale, mieux c’est » et là, tout est parti en live.

Fier d’annoncer sa nouvelle production cinématographique « Le porno le plus sale » en collaboration avec « Léo et Lulu », un couple français qui se prétend amateur mais dont les équipements et la performance ont de quoi faire saliver les plus professionnels dans l’industrie du X.

Ce duo d’acteurs de films adultes — aussi romantiques, charnels et voluptueux que leur pseudonyme —  qui résume leur état d’esprit « voyager à travers le monde et baiser partout » n’a pas hésité à donner de leur corps sur une plage déserte. La mise en scène est des plus élaborées, les plans de coupes enchaînés à merveille mais l’on s’attardera sur l’illustration des plus pathétiques de la pollution marine avec ce poisson mort gisant entre deux bouteilles en plastique toutes neuves.

Premier geste pour l’écologie, ce placement publicitaire en plan serré de nos french lovers déambulant en maillot de bain, claquettes de piscine Adidas sur le sable de cette plage abandonnée. Plus ils progressent à travers un banc de déchets plastiques, débris et de bouteilles de lessives, etc. plus l’excitation grimpe… La musique d’ambiance vous prend comme dans un film d’horreur et puis soudain, le climax : une bouteille de Coca-Cola qui donne le la aux festivités.

À défaut de prendre les déchets en main, Lulu prend le sexe de Léo en bouche. Copulant aux côtés d’hommes en combinaison contre les risques chimiques siglée Pornhub, équipés de masque de protection respiratoire. Le genre de personnage qui te fait rapidement comprendre que tu n’es pas vraiment au bon endroit et encore moins dans la meilleure des tenues. Loin de se poser les bonnes questions, Léo et Lulu commencent les préliminaires tandis que les figurants ramassent laborieusement ça et là ces déchets étalés sur le littoral.

NETTOYER LA PLANÈTE LE TEMPS D’UNE BRANLETTE

Après cinq minutes de préchauffage, le jeune Léo, au membre impressionnant mais qui peine à se raidir, s’extasie : « ah putain, finalement ». La suite ? Les mots-clés référencés sous la vidéo résument bien les 4 minutes 55 — montre en main — qui suivent : « blonde », « exclusif », « 60 images par secondes », « grosse bite », « hard », « jolie fille », « modèles vérifiés », « publique », « éjac »

Les hommes en combinaison ont terminé leur boulot. Pas un regard, ni même une considération et encore moins un merci de la part des jeunes exhibitionnistes qui partent aussitôt prendre un bain en mer.

Un court métrage grotesque rivalisant fantastiquement avec Cinquantes nuances de Grey qui laisse à désirer eu égard les prises de vues insipides et caricaturales : très gros plans, une fornication déliquescente, dépourvue de sens et encore moins de cadrage. En effet, les jeunes amoureux tiennent à préserver leur anonymat. Soit.

Au-delà d’un porno normé, « Léo et Lulu », les nouvelles idoles des 18-25 ans, ont sans le savoir, lancé une nouvelle vague du « porno écolo ». Une tendance dont découlera très certainement l’émergence de nouveaux producteurs qui exploiteront un nouveau filon : le porno Bio.

Daniel Latif

Le mystère de la borne WiFi fantôme

« Mais non, les RG sont pas aussi cons pour faire un truc comme ça » se raisonne Gilles. L’idée était quelque peu surréaliste. Toutefois, l’hypothèse de la fausse borne Wifi utilisant le même nom dans le but d’espionner l’activité du trafic réseau et de récupérer les identifiants de connexion au sein de cette entreprise réputée était plausible.

Après avoir procédé au renouvellement de l’infrastructure des serveurs et du réseau sans fil, Gilles, expert informatique chez Wolface, avait remarqué une activité suspecte. En effet, sur son écran, apparaissait cette borne Wifi de la marque Cisco qui continuait à émettre et se faire passer pour un réseau de l’entreprise. Les techniciens de maintenance informatique permanents sont formels : « c’est impossible ! ». Inconnue au cahier des charges — qui en répertoriait un total de 15 réparties à travers les quatre étages de l’immeuble — le voici confronté à une mystérieuse énigme de la borne numéro 16.

Assis devant les 15 anciennes bornes déconnectées, Roman était plongé dans une torpeur à l’idée de faire une telle découverte. Voulant brasser toutes les possibilités, Gilles évoque un éventuel signal fantôme à « effet de latence comme lorsque tu regardes une étoile dans le ciel. Elle brille alors qu’en fait, elle est déjà morte ».

D’après le moniteur et après quelques déductions avec le numéro de série, la borne wifi devrait se trouver entre le premier et le troisième étage, « à proximité de l’ancien emplacement de la Borne 11 ».  En dépit de l’indication vague, Simon, son collègue, partit aussitôt parcourir les bureaux : « j’ai ma petite idée, je crois savoir où elle se trouve ». inspectant les couloirs, scrutant attentivement les plafonds, persuadé qu’il parviendrait à mettre la main sur le boîtier douteux. 

Après plusieurs passages à travers les pièces, inspectant y compris dans les escaliers de secours tel un démineur. De retour à la case départ, suite à une chasse infructueuse, il croise Gilles, ordinateur portable en main, déambulant au gré de la puissance du signal émis par la borne clandestine.

C’est le moment crépusculaire. La borne reste toujours introuvable mais continue à émettre sur le canal 12. Roman, Simon tentent de rassurer Gilles : « La nuit porte conseil, allons manger et on verra demain ». En vain. En plein dîner, il quitta la table soudainement pour retourner dans les locaux de l’entreprise. Aux grands maux, les grands remèdes. Il imaginait une approche plus scientifique : la triangulation.

En théorie, il suffit de tracer un axe à partir de trois points différents où la réception du signal est optimale. En pratique, le bâtiment comporte plusieurs étage avec une autre extension côté rue. Un vecteur qui vient compliquer l’application d’un cas pratique bien connu des agents du CSA à la recherche de la provenance du signal de radios pirates.

L’ingénieur en informatique se mis en tête de coder une application radar sur son téléphone afin d’affiner ses recherches, en complément d’une localisation GPS. Commence ainsi, une traque de la borne fantôme qui se poursuivit jusqu’au petit matin. 

D’après les données récoltées tout au long de la nuitée, la borne se situerait au milieu du premier étage mais une fois sur place il perdait la trace du signal. Un casse-tête qui prit fin lorsqu’un de ses collègues évoqua l’immeuble côté rue. « On l’a pourtant visité hier ?
— Certes, mais on est allé au deuxième étage et on a oublié le premier ! ».

Les trois mousquetaires se regardèrent et bondirent de leurs chaises, courant à travers les escaliers, traversant les couloirs étroits. Ils arrivèrent devant une porte où il était inscrit sur une plaque « Direction ». Toc-toc, personne ne répond. Gilles ne tient plus, il ouvre la porte et tels des inspecteurs de police en pleine perquisition, ils surprirent deux employés : 
— Oui, bonjour ?
L’équipe qui ne s’attendait pas à croiser du monde à cette heure-ci, répondit vaguement : « On cherche une borne wifi ». Se contentant de pointer la borne fixée sur le pilier central, ne comprenant pas trop cette requête incongrue, les membres de la direction reprirent leur travail.

S’approchant impatiemment, Gilles réalisa que le boîtier gris suspendu n’était pas la borne recherchée. Dépité, il s’assit sur ce canapé, essayant de refaire le scénario depuis le début à la recherche du détail qui lui aurait échappé. Mais le jeune homme n’avait plus les idées claires et tout ce dont il rêvait à ce moment c’était un bon petit déjeuner puis d’un café. Inconsciemment, ses yeux se posèrent sur la machine à café et la bouilloire sur cette étagère Ikea. En dessous, des gâteaux dans une boîte métallique et à côté du miel… Brassant du regard les différentes cases, il aperçut une pile de papiers en vrac posés sur une boîte d’où émanait un faisceau lumineux vert. Incrédule, il se leva sans dire mot. Pensant qu’il était l’heure d’une pause café, Simon, Roman l’accompagnèrent de ce pas. Soulevant le paquet de feuilles, il découvrit enfin la borne WiFi tant convoitée. 

 « Mais non … » s’écria Roman, se saisissant du boitier afin de vérifier l’adresse IP. Son premier réflexe est de vouloir débrancher la prise Ethernet, en vain : « saloperie de câble, il ne veut pas sortir », agacé, il se saisit d’un tournevis et pète le câble. 

Après une recherche intensive et même si le signal de la borne wifi a disparu, les interrogations persistent. Espionnage industriel ou surveillance des salariés ? Pourquoi la borne n’était-elle pas référencée ? Peut-être servait-elle uniquement pour la machine à café ? Quoi qu’il en soit, le mystère de cette borne wifi fantôme reste toujours non élucidé.

Daniel Latif

« Ici, c’est Napoli »

« Il ne faut pas comparer par rapport aux autres villes que tu peux connaître » me prévient d’emblée Sybille, alors que nous venons de prendre place à bord d’un taxi à l’aéroport.

Assis à l’avant, j’observe ce scooter qui vient de s’arrêter à mon niveau. Deux amoureux, sans casque. Au guidon, un charismatique jeune homme en tee-shirt, prêt à démarrer en trombe, me lance un regard. Une proximité qui embarrasserait l’européen moyen et gênerait les scandinaves. On se regarde et spontanément l’on se dit : « ciaaaooo ! ».

Derrière lui, la demoiselle n’a d’yeux que pour son téléphone. Pianotant à deux mains, complètement absorbée, on admire la désinvolture de la sulfureuse qui ne craint encore moins de faire le sac de sable au premier coup d’accélérateur.

Arrivé devant l’église Sainte Marie, un homme m’observe, le regard défiant et plus qu’insistant. « Buongiorno » lançai-je aussitôt. Son visage s’adoucit et sa voix suave pleine de chaleur enchaîne : « bonjour, je m’appelle Gennaro, d’où venez-vous ?
— Parrigi, rétorquai-je fièrement avec mes maigres connaissances en italien
— Ah, j’aime beaucoup Paris, continue-t-il en français. Surtout le Paris Saint-Germain. C’est votre première visite ici ?
— En Italie non, mais ma première fois ici à Naples
— On n’est pas en Italie, ici c’est Napoli ! »

Car, ici, les portes — surplombées d’imposantes statues — sont hautes et impressionnantes, le porche annonce les prémices de grands palais. L’architecture est théâtrale, les églises foisonnent à chaque coin de rue, et les monuments d’une telle majestuosité qu’ils en ridiculiseraient les plus grands chefs-d’œuvre parisiens.

A Napoli, lors d’une remontée de rues pavées à l’ombre du linge étendu sur les balcons, vous vous enivrez d’une alliance de ces senteurs d’épices et parfums de lessives. 

« Dis-moi ce qui te fait plaisir et je te le cuisine ». On a beau croire qu’il faut s’adapter, mais, ici, on est aux petits soins lorsqu’il s’agit de gastronomie. Comme dans l’épicerie fine, Ciro Amodio, sur la Via Nardones, c’est le patron Enzo, qui prépare toutes les spécialités locales : tartines de tomates du Vesuvio, Mozzarella Bufala, aux côtés d’un très large choix de charcuteries ou encore les friarielli, ce légume typique napolitain.

« DIS-MOI CE QUI TE FAIT PLAISIR ET JE TE LE CUISINE »

Un peu plus haut dans la vieille ville, chez Nennella, une ancienne pizzeria, la Margherita est faite avec amour sous vos yeux en trois minutes pour 2,50 euros et l’ingrédient supplémentaire, c’est cadeau ! Un goût disproportionné eu égard son prix, mais surtout une véritable pizza à la cuisson parfaitement maîtrisée qui laissera toutes les autres versions que vous aviez dégusté en France à désirer.

Direction Sano sano. Y déguster une mousse de café glacée et pour les plus gourmands, l’incontournable glace italienne.

C’est la nuit à Napoli, les rues sont calmes et tout va bien. Il fait toujours chaud, en témoigne ces amoureux lovés qui « vont te faire un bébé sur le banc » s’amuse cette touriste française les regardant avec envie. Plus que de l’amour, il s’agit sans doute de passion, au sens le plus noble.

Le temps d’une déambulation nocturne afin de prendre le recul nécessaire et digérer la complexité et la beauté d’une ville des plus authentiques. 

C’est sûrement ça, la dolce vita.

Daniel Latif
Photos : DL/DR