Le chanteur Madjao dans sa chanson Douce France s’interrogeait : “Les paysages de mon enfance, où sont-ils passés ? Douce France… L’industrie et les finances, les ont effacées”. Et il s’alarme à juste titre. Que serait une ville sans espace vert ? Les parcs et jardins sont des havres de paix essentiels pour échapper au fracas et tumulte du quotidien. Ces derniers précieux espaces encore préservés de la frénésie des groupes de Bâtiment travaux public qui déshumanisent et bétonnent à tout va. Fort heureusement, il y a encore des passionnés qui prennent soin et mettent en valeur ces espaces verdoyants. Ces artistes de l’ombre arrivent à ériger ces paysages au rang de patrimoine.
Et si l’on répertoriait ces petits coins de paradis comme l’on recense les meilleurs hôtels et tables ? Il ne s’agit pas d’établir un absurde classement inique mais plutôt d’effectuer une sélection dont la vocation serait simplement de guider. C’est bien évidemment dans ce sens, à la manière du fameux Guide Michelin, que Philippe Orain, Directeur de la collection des guides patrimoine chez Michelin, et son équipe éditoriale se sont attachés à élaborer ce Guide des Parcs et Jardins de France. Plusieurs paramètres ont été pris en compte pour constituer l’ouvrage, notamment le ressenti de la première impression, la notoriété, la présence de labels, la beauté et l’esthétique, l’agrément de la visite mais également les courriers des visiteurs et lecteurs des Guides Michelin.
Jean de La Bruyère avait ce critère — auquel j’adhère particulièrement et qui reste encore convenable aujourd’hui : la propriété d’un superbe édifice réside dans un tracé de “vastes et de délicieux jardins, dont l’enchantement soit tel qu’ils ne paraissent pas faits de la main des hommes”.
Au total, 207 jardins sont classés en six catégories : botanique/exotique, paysager, contemporain, régulier, de cottage et utilitaire. Sur ces derniers, trois sont classés 3 étoiles : le Parc du Château de Versailles, le Parc du Château de Vaux le Vicomte et les jardins du Château de Villandry.
Attardons-nous sur mon coup de cœur de l’année : le Château de Versailles, classé comme jardin utilitaire en raison de ses vergers et du Potager du Roi. Lieu de prédilection de Nicolas Guérin, spécialiste de l’Ancien Régime, il avoue ne pas se lasser de revivre les grandes ballades de Cour : “déambuler entre les arbres, ramasser un ou deux citrons par terre, prendre les allées secondaires, visiter les bosquets puis contempler les perspectives, admirer la puissance du Château qui contraste avec la légèreté des arrangements végétaux”. Pour lui, ce jardin royal est unique et reste difficile à saisir à cause de sa taille qui dépasse l’échelle humaine. C’est pour cela qu’il recommande de consacrer une journée entière pour prendre le temps de vivre chaque lieu, de préférence en semaine et hors saison car “à ce moment, le parc offre une dimension beaucoup plus poétique, personnelle et en plus il y a moins de monde”.
Une nouvelle référence de tourisme dédié aux plus beaux parcs et jardins de France vient agrandir la famille des Guides Michelin. Des pneumatiques, élément des plus importants si l’on veut partir en vadrouille, à une sélection des meilleures tables et chambres d’hôtes avec le fameux Guide Rouge, mais également un choix d’itinéraires pour découvrir les régions avec le Guide Vert. Bibendum n’a de cesse d’inviter au voyage.
Daniel Latif